20/6/2020
Le défi tabarnäak !Auteure: Marie-Ève Trudel-Vibert Des kilomètres, des kilomètres, soif dans la gorge, mal dans les pattes Surtout, surtout ne pas penser, sinon mon cœur arrête de battre Belzébuth, Les Colocs Ah… que j’aurais aimé inventer ce jeu de mots ! Mais ce sont plutôt les cofondateurs des barres énergétiques à base de grillons – les barres näak – qui ont eu le flair de cet audacieux coup de pub : ta barre näak (la pognes-tu !?). Ces mordus de triathlons ont mis sur pied une entreprise québécoise qui aspire à démocratiser la consommation d’insectes, à faire évoluer nos habitudes alimentaires, tout en s’engageant, environnementalement parlant.
Näak est également l’un des partenaires du défi #gaspesia100naak; une variante virtuelle de l’Ultra Trail Gaspesia 100, « expérience authentique de course sur les sentiers de la Gaspésie. » En clair, du 23 mai au 21 juin 2020, les participants doivent parcourir – à la marche ou à la course à pied – 160 kilomètres, à raison de 40 km par semaine. Dans la version originale de l’Ultra Trail, c’est en 30 heures que les athlètes réalisent ces kilomètres. Le défi #gaspesia100naak, le « bébé-trail » de la pandémie, apporte une twist intéressante et nécessaire au package offert par Événements Gaspesia dans la mesure où il vient populariser la course à pied. La rendant accessible à monsieur et madame Tout-le-Monde qui a une paire de sneak pas trop maganée. Tu me lis sur ce blogue depuis 2 ans, tu me connais presqu’autant que mes parents, ça fait que tu avales ta gorgée de café de travers en te disant : est-ce que je suis vraiment en train de lire Marie-Ève ??? Yeah, Buddy, je t’explique ! Un brin patraque d’un long confinement qui m’a coupée d’abord et avant tout de moi-même, j’ai ressenti brusquement ce besoin viscéral de « bouger de là », de brasser ma cage, de sortir de ma zone d’inconfort, de générer un autre état que celui de fatigue. Ce que j’entamerais, si j’en avais les couilles, me briserait en deux ou m’assemblerait à jamais. Depuis des années, les sœurs Lévesque-Cahill (allô Karen ! allô Tina !) m’interpellent au niveau de ma forme physique à coup de « Tu devrais courir ! » et de « Envoye, t’es capable ! », ce à quoi j’ai toujours répondu : « Moi, courir !? Ben voyons, j’ai pas le temps… j’ai d’autres priorités… je suis « plein air », mais pas sportive ! Et un tas de répliques bien creuses qui sont le triste résultat de mes propres limitations. Quand j’ai allumé qu’il s’agit d’un défi virtuel, que le temps dont je dispose, je le gère à ma convenance, qu’il y a 7 jours dans une semaine pour accomplir 40 km, qu’il m’est possible de les marcher, où je veux bien le faire et quand je suis down pour… Sur papier, ça se tenait ! Je me suis donc inscrite au #gaspesia100naak que je qualifie de défi tabarnäak ! C’est affectueux ! Promis, juré, craché ! Je n’ai même pas les doigts croisés. C’est juste que le nombre de fois que j’ai échappé un taba*&& ?%$... Pas besoin d’un graphique ! Ce n’est pas une courbe à aplatir… J’ai annoncé la chose à mon p’tit mari, par un soir de mai, en enfilant des gants plus blancs que blancs comme si je le prévenais d’une trahison. Parce que j’allais nous enlever des minutes, des heures de couple (déjà qu’on n’en a pas une tonne !) pour sortir marcher. Étonnée de constater qu’il était heureux que je le cocufie avec moi-même, j’ai reçu de sa part, pour la fête des Mères, des espadrilles Asics et une nouvelle licence Antidote : chausser les pieds, rehausser l’esprit ! Ciel que j’aime mon mari ! Le mirage de la motivation est arrivé 4 jours avant le défi. En m’inscrivant, je devais également me créer un compte sur Strava qui est un site Web et une appli mobile utilisée pour enregistrer des activités sportives via GPS. Ça agit comme un réseau social puisque les abonnés se créent un profil, se suivent, se donnent des Kudos (manière de like !) et donc produisent des flux d’actus. Le fonctionnement est assez instinctif et l’utilisation simple : je traîne mon cell en activant l’application lors de mes sorties, après quoi j’enregistre le tout et ma performance sera analysée (distance parcourue, vitesse moyenne, altitude, dénivelé). En général, mon training s’est bien déroulé, mais j’ai appris à mes dépens que les aiguilles de Strava perdent le nord quand je m’aventure dans les criques de la baie (adieu GPS) et que mon tracé final indique que j’ai traversé le cours d’eau à la nage… je dois alors tout réajuster manuellement ! Saperlistrava ! Le jour J arrive, je n’ai que quelques kilomètres au compteur et des chaussures de course pas cassées; c’est parti mon kiki ! J’ajoute à ma photo de profil Facebook le décor du défi #gaspesia100naak, je cherche des amis sur l’appli puis je m’abonne à des connaissances ; j’ose même adder du nouveau monde question d’ouvrir mon chakra à une communauté sportive. Le 23 mai au matin, je m’élance comme une galopeuse, un Pur-sang qu’on aurait shooté puis sur qui on aurait parié. Parce que je ne me mesure pas aux 3000 coureurs, mais à moi-même. J’allais à la rencontre de ma challengeuse. À ma grande surprise, ce n’est pas avec mon corps que j’ai rendez-vous en premier. C’est avec mon cœur. Ça fait 7 années que j’habite dans ce secteur de Gaspé, et pour la première fois, je me risque au-delà du périmètre du quartier. J’embarque littéralement sur le boulevard de York Ouest, qui borde la baie. Je m’éloigne du bungalow, sécurisant. Honteuse de ma forme physique non-olympique, je n’avais pas prévu me commettre en plein jour, mais voilà que je prends l’habitude de me lever à 5h15 AM pour profiter du calme des environs. La piétonne endormie se tient d’ordinaire loin des voitures… Mais ce n’est ni un char ni un camion de livraison qui m’a renversée contrairement à mes craintes. C’est la beauté du matin. La force tranquille du jour qui s’étire et se lève sous les rayons encore timides du soleil ou sous la brume en suspens, clou du spectacle. Le miroitement des montagnes dans la baie. Les pic-bois au-dessus de ma tête, me sommant d’avancer, d’arbre en arbre. Le chant du coq. Puis d’autres coqs. La Covid-19 a rappelé les gens à la terre… Ça va te paraître fou, mais j’avais l’impression que le jour, eh bien il se levait pour moi. Juste pour moi. Que toute cette beauté là m’appartenait. En tout cas, je l’usurpais. J’en nettoyais mon ombre. Je retirais sa noirceur. La 1ère semaine a commencé comme la 4ième se termine, en pleine canicule. Pas prête pour la peine, j’ai dû « sortir » ma garde-robe d’été. Malgré les tissus légers et supposément « respirables », j’ai parcouru 50,8 km en 7 jours et j’ai sué à des endroits que je ne connaissais pas. Je ne te raconte pas mes courbatures. J’avais mal au moindre pouce d’anatomie. J’étais un bleu sur deux pattes. Mais je me suis accrochée à ma communauté virtuelle – et bien réelle – à un ou deux kudos de toute crisser là. Et ça l’a fait ! Alors je me suis mise à poster mes scores sur le gram, en stories, parce que c’était rendu mon histoire du jour, et souvent, mon trois fois par jour. La 2ième semaine a été plus fraîche et même pluvieuse. Ce qui a tôt fait d’amplifier cette beauté panoramique que je tentais de capturer par des photos quasi en odorama. J’ai marché/couru 50,2 km. Je n’étais plus raquée, je n’étais pas non plus en feu, j’étais juste terriblement bien. La 3ième semaine a été la plus difficile de toutes, car mes tendons d’Achille, celui du pied gauche spécifiquement, était enflammé. J’avançais à pas de torture. Mes soirées étaient dédiées au repos, aux doux massages de p’tit mari, et aux blocs réfrigérants attachés avec des serviettes à vaisselle. J’ai atteint les 40,1 km… par la peau des fesses ! J’ai troqué les sorties sportives pour les bains de pied en mer. D’ailleurs, les sœurs Lévesque-Cahill m’ont bien avertie de freiner la cadence pour ne pas jeter mon été avec l’eau de la prochaine marée. Freiner OK, mais pas arrêter ! Parce que je n’avais pas encore tout à fait saisi ce qui se présentait comme opportunité. Parce que je touchais, de l’enflure de mes tendons, à quelque chose de grandiose. Le défi, j’allais le terminer, sur ce qui resterait de mes deux pieds. Je n’allais pas m’incliner devant Achille. Un peu d’obéissance, de respect de mes nouvelles limites, mais pas d’abandon ! Pour la 4ième et dernière étape du défi, les maux sont gentiment disparus (quoiqu’une légère sensibilité aux tendons est restée) alors qu’un intru s’est invité en la demeure. Et j’ai nommé : mon cycle menstruel ! Je suis de celles qui se coltinent des SPM monstrueux et une période de règles pas fait pour les doux. J’anticipais ce moment du calendrier, qui en temps « normal », me jette à terre. Me transforme en guenille trop moche pour servir. M’afflige de migraines. Me gonfle le corps au point que je dois enfiler des vêtements qui font une taille plus grand. Et depuis mon accouchement, en 2016, je ne porte que les serviettes hygiéniques Maxi de nuit à rebords aussi appelées Maximaman, et ce, même de jour ! Épaisses de 9mm et longues de 31 cm, tu t’imagines courir avec ça !? Une couche ! Au fait, as-tu déjà couru avec une couche ? Je te parle, dans ta vie d’adulte, là ! Je te jure que ce n’est pas seulement entre mes dix orteils qu’il y avait des ampoules. Quand on dit changer le mal de place… I Got It ! Pour faire un très mauvais jeu de mots, je passais tout sauf incognito ! Au beau milieu de cette dernière semaine, alors que je rédige ces lignes, je te témoigne que j’ai tenu le coup ! Ça ne signifie pas grand-chose pour toi, ce n’est pas ton défi, pour ne pas dire ta croix, mais j’avais envie de te partager que ma ligne d’arrivée se rapproche. Que c’est moi, en fait, qui m’en approche. Et que ça me fait filer drôle. Moi pis les fins. Moi pis les deuils. Puis ce qui monte, ce sont les dizaines de photos prises lors de mes sorties. Et ça me fait penser à tout ce que j’aurais manqué, si je ne m’étais pas inscrite au défi… Je n’aurais pas vu rouler le capelan en direct sur la plage de Coin-du-Banc, après m’être aperçue que je courais dessus (ark !). Je n’aurais pas escaladé les plains avec ma mère et constaté les ravages de l’érosion, 20 ans après. Je ne me serais probablement jamais évadée de mon quartier de bungalows, et donc je n’aurais pas intégré les allers et venues des résidents, les horaires des trucks de livraison ou les calls matinaux des taxis. J’aurais manqué les plaintes des mourning dove, « wou-ou-ou-ou », mon oiseau préféré. Je n’aurais pas trouvé la maison de mes rêves, ce genre de piaule anglée et à paliers semblant sortir tout droit d’un épisode de Lance et compte. Je n’aurais pas vécu le partage de la route, en dehors de l’habitacle. J’ai rencontré des automobilistes qui changeaient pratiquement de voie pour éviter de me happer versus des Kings de l’asphalte qui me frôlaient par exprès. Et le mitoyen, l’inévitable, celui qui ralentit volontairement pour voir « qui c’est ça qui marche à cette heure-là ? ». J’ai expérimenté la vie piétonnière, et là où je savais les risques, j’ai développé des stratégies. Puis de la tolérance. Ma propre conduite a été revue et corrigée. Sans le #gaspesia100naak, je n’aurais pas salué les résidents qui s’occupent de leur chez soi comme d’un royaume. Les deux mains dans les plates-bandes à caresser la vie qui pousse. À patenter un arrosoir de jardin avec les moyens du bord. À m’offrir une douche à même l’accotement. À bondir de derrière les buissons pour m’apostropher d’un bonjour ou d’un bonsoir. Je n’aurais pas croisé les autres marcheurs des environs. Des speedés, comme moi, mais surtout des contemplatifs. Les marcheurs du matin ressemblent à ceux du soir, mais ils sont habillés différemment. Puis il y ces cyclistes – les vrais –, avec du style. Certains hochaient la tête à mon approche, pour m’indiquer une certaine marque d’approbation. Pour d’autres, j’existais en transparence sur le parcours d’une course contre la montre. Je n’aurais pas épié ce vieux couple de retraités qui se berçait à l’unisson sur une véranda craquante tout en parlant au téléphone comme si l’individu contacté habitait de l’autre côté de la baie. Je n’aurais pas assisté à la parade d’un sexagénaire au volant d’un char monté qui se la jouait cool en faisant gronder ce qui se tramait sous le capot. Mon air réfléchi lui a désigné que je n’étais pas sa cocotte-cible. Je n’aurais pas entendu le bruit des dizaines de carillons qu’abritent une vieille maison blanche, non loin. C’est ma louve qui en a été charmée lors d’une sortie poussette d’avant-dodo. « Entends-tu la jolie musique, maman ? » Non, ce que j’entends, c’est une mélodie de film d’horreur. Bien sûr, je n’ai pas prononcé ces mots-là. J’haïs les carillons. Je n’aurais pas appris qu’on ne rôde ni dans le quartier ni sur le boulevard quand c’est le jour des poubelles. Que c’est possible tout de même de le faire, grâce aux nombreux lilas – un voisin sur deux possède au moins un arbre – ce qui donne : une puff de marde, une puff de lilas, une puff de marde, une puff de lilas, … À croire que c’est dans un tel contexte qu’a été inventé les éliminateurs d’odeur. (J’ai omis de dire que dans mon patelin, entre les puffs de tu sais quoi, y a moyen d’en tirer une sur cinq de cannabis… donc ma question… à quand le Febreze au pot !?) Je n’aurais pas remarqué que les fenêtres des maisons étaient archées d’arcs-en-ciel, trois mois plus tard. Que plusieurs voitures arboraient des stickers de rainbow juste à côté du traditionnel baby on board. Je n’aurais peut-être jamais laissé tomber les points de presse du trio de la santé. Ça et le dessert du jour qui l’accompagnait. Je n’aurais pas zyeuté les gros rebuts et pensé que les gens jettent leurs choux gras. Je n’aurais pas photographié les panneaux immobiliers pour mieux fouiner sur le Web de retour au bungalow. Je n’aurais pas secoué frénétiquement la main à l’égard d’un phoque à Haldimand, puis regardé les goélands plongés comme si c’était la première fois. Je n’aurais pas vu le bar rayé arriver. J’ai n’aurais jamais découvert, après une averse, de la mélisse sauvage en face de l’hôpital. Je n’aurais pas vécu l’été avant l’été. Et par-dessus tout, je n’aurais pas su que j’étais confinée dans un corps souffrant. Un corps aimé, mais délaissé. La marche, en alternance avec la course à pied, m’a libérée d’au moins la moitié de la charge mentale qui m’accapare depuis le début de notre vie à trois. Je sais dorénavant qu’à l’orée de mes 37 ans, il n’est pas trop tard. Merci JF Tapp, le gars qui a acheté « mon » auberge ! Ben oui, je fais de l’appropriation patrimoniale ! Quand j’étais petite avec mes amis et mes cousins, Corner, on le marchait, on le bikait, on le skiait, on… je t’épargne l’énumération, y a des choses que tu ne veux pas savoir, OK ? On l’habitait à tout le moins sur sa longueur. Et puis on a vieilli, et on a fait ce que les enfants font quand ils poussent, on a sacré le camp ! Le temps a passé, il y eu cette vague de nouveaux arrivants. Des maisons ont été rachetées, des chalets se sont construits. Le village s’est repeuplé. Du reste, la plage continuait de sustenter les touristes en agates et en jaspes. Puis l’auberge a fermé. Mon cœur a fait trois tours. Coin-du-Banc allait être le coin d’un banc. Mais tu es arrivé. Au bon moment. En acquérant et rénovant cet endroit mythique, te collant à l’histoire du bâtiment et de ses bâtisseurs, et faisant du plein air ton leitmotiv. Mon auberge, ton camp de base. Grâce à toi JF, je retombe en enfance, ou plutôt, je reconnecte avec mon enfant intérieur. Parce qu’un ti-boute, ça joue, ça découvre, ça pense à lui. Tu sais, j’ai été élevée dehors. Sur cette plage et ces terres que tu arpentes. En cette fin de défi, en ce dimanche de la fête des Pères, je te souhaite du bon temps avec ta gang de coureurs de l’Ultra et ta famille. Tu es un super modèle pour tes kids, « ta relève » comme tu les appelles. Mon père l’est également pour moi. Son sport national, à lui, c’est de marcher ! Et son 2ième, c’est de se faire « griller » ! À chaque sortie, c’est un 2 en 1 ! Tout un marcheur-sprinter ce Renaud Vibert. Je ne sais pas si le plus fort c’est mon père, mais crois-moi, c’est le plus vite ! Merci JF d’avoir vu avec tes yeux de p’tit gars, cet immense terrain de jeu à ciel ouvert. Merci d’avoir voulu le voir tous les jours. J’ai grandi dans cette vision. C’est au tour de tes enfants. Et si je suis la fille de Coin-du-Banc, JF, tu es son fils adoptif. Imagine ce que ça fera de ta progéniture. Ils ont déjà la piqûre. Voilà ! Le #gaspesia100naak prend fin à midi aujourd’hui. J’ignore en ce moment même combien de kilomètres j’aurai parcouru, mais j’ai déjà atteint les 160 km. Et puis le nombre n’est pas si important, au fond, ce qui l’est, c’est la distance intime explorée. Forte de mille promesses. Fière comme c’est permis. Nous étions 3000 en tête de peloton virtuel, et chaque semaine, en moyenne 1 500 participants atteignaient ou dépassaient les 40 km. Tout ça, en faisant la promotion de ma chère Gaspésie. Je ne suis pas Lydia autour du monde, ce n’est d’ailleurs pas mon but, mais je suis Marie-Ève du bout du monde. Un mélange entre : je ne serai plus jamais la même et je deviendrai celle que j’ai toujours été. Je suis presque prête pour les sentiers en montagne et la côte du Pic ! Salutations à mes camarades de défi ! Merci de vos kudos, concrètes tapes dans le dos. Ah oui… À celles et ceux que ça fait suer de voir passer mes stories de Strava, mon DM n’est pas un bac à déchets. Je t’invite à sortir dehors et à venir marcher, tu verras, ça fait suer pour vrai ! Pis sinon, je t’envoie une bouteille de Frebreze au pot, quand ça va sortir… Paix.
16/6/2020
Se déconfiner l'espritAuteure: Joanie Robichaud À la mi-mars, comme l’ensemble des Québécois, je me suis confinée. Un peu éberluée en entendant les consignes du premier ministre, je suis restée chez moi. J’avais un peu la tête dans le sable et je ne suivais pas vraiment l’actualité, parce que j’étais encore en congé de maternité. Mais la réalité m’a bien vite rattrapé quand mon nouvel employeur m’a demandé de commencer dès que possible, en télétravail. Les communications, c’est essentiel (bien qu’encore trop souvent sous-estimées).
C’est donc à la maison que j’ai repris le travail, avec les enfants qui jouaient autour de moi et une grand-maman dévouée qui est déménagée avec nous pour me donner un coup de main quand mon conjoint devait partir travailler dans le Nord. Confinés, nous étions, mais toujours bien entourés malgré tout. Par chance que nous étions en Gaspésie, me suis-je alors dit. Je n’aurais assurément pas eu autant de facilité avec cette gymnastique familiale que demande le télétravail (quand les garderies sont fermées) si j’avais encore habité loin de ma famille. En fait, je me demande même si ma santé mentale aurait survécu à ce raz de marée… Confinée, donc, comme le reste du Québec. J’étais désormais plongée dans la COVID-19. Tout ce que je faisais en lien avec le travail touchait à cette crise sanitaire. Je me sentais tellement utile, mais aussi coupable. Coupable d’être à proximité de mes enfants sans jouer avec eux, même s’ils avaient un plaisir fou avec grand-mère ou papa. Plus les jours passaient, plus on se confinait. Et pas seulement physiquement. Les réflexes ont commencé à s’installer. Se laver frénétiquement les mains. Mille fois par jour. Est-ce que je me suis lavé les mains ? Je ne suis pas certaine. Je lave encore. Se laver les mains à en saigner. Pour se protéger. Pour protéger les enfants. Se protéger de l’inconnu, surtout. Confinés, mais inquiets. Les nouvelles au compte-goutte. Papa qui doit repartir travailler malgré tout. Travail essentiel nous dit-nous. Maman refoule ses larmes. Grand-mère revient nous aider. Et on se confine encore. On repousse les doutes, les craintes, les peurs et les angoisses. On parle du méchant microbe, celui qui nous empêche de voir Papou, ce qui nous empêche d’aller faire des commissions avec Maman, ce qui nous empêche de célébrer l’anniversaire de Rosie, celui qui nous confine. On en parle d’abord très peu. Comment aborder le sujet avec un enfant de 3 ans sans entrer dans les détails ? On ne sait pas combien de temps nous serons confinés. On finit par donner quelques informations adaptées à son âge et on lui demande d’être patient, très patient, surtout lorsqu’on regarde les modules de jeux de la maison sans pouvoir y aller. On est confinés. Plus le temps passe, moins j’ai l’impression que nous sommes en contrôle. Moi, comme parent, mais aussi le gouvernement. Normal, c’est nouveau pour tout le monde. Il faut s’adapter. Et il faut surtout s’écouter. Revivre Je réalise que mon esprit aussi s’est confiné. Quelque part au fond de moi, il s’est caché et le mode survie a embarqué. Survivre dans le confort, quand même. Survivre dans l’inconnu surtout. J’ai souvent eu envie d’écrire pendant le confinement, mais je n’y arrivais pas. La page restait blanche. L’énergie semblait avoir été grugée par les routines familiale et professionnelle qui sont désormais interreliées. J’ai réalisé que je devais déconfiner mon esprit. Je devais le sortir de sa torpeur et de son mode survie, pour le remettre en mode création. Mais, alors que j’entends tous ces gens dirent qu’ils ont hâte de revenir à la « normale », je me demande si la normale l’a déjà réellement été. Il faut dire que la crise sanitaire survient après un déménagement en Gaspésie et un congé de maternité. Je ne me suis pas levée du jour au lendemain en arrêtant de faire la même chose que je faisais tous les jours depuis 30 ans. J’étais déjà dans une période de changement et assurément plus ouverte que d’autres à modifier mes comportements. Reste que, malgré tout, le avant ne reviendra jamais. J’en suis convaincue. L’être humain est profondément résilient, par chance. Parce qu’il ne faut pas retourner au avant. Un avant centré sur la production, sur le profit, sur la réussite personnelle. J’ai besoin d’un peu plus de collectivité. J’ai surtout besoin de rêver de nouveau. D’imaginer, de réfléchir, d’analyser, de tergiverser, d’argumenter. J’ai besoin de faire le vide pour me remplir de nouveau. De mots, de chansons, de paroles, de musique, de poésie. J’ai besoin de nouveauté, sans pour autant oublier le passé. J’ai besoin de déconfiner pour esprit pour réapprendre une nouvelle vie, pour accompagner mes enfants dans ce qui sera leur normalité. |
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Novembre 2020
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