9/5/2020
Je suis non-essentielleCoronavirus COVID-19 Pandémie Confinement Courbe Épidémiologie Crise Vieux Sages CHSLD Zones chaudes Zones froides Arcs-en-ciel Levure (héhé!) Bagels… Les mots qui sont sur toutes les lèvres depuis des semaines. Je ne t’apprends rien, puisque tu en es. Le Québec s’est replié sur lui-même. Un exercice d’origami laborieux, même pour les yogistes. Quand le couperet est tombé, ça faisait déjà 3 jours que ma louve restait à la maison à cause d’un vilain rhume. Nous avions une mince avance. Son sac de garderie était défait, le contenu lavé, puis le tout repaqueter. Dans le placard depuis. Sur le coup, comme tout le monde, j’accuse le choc. Une mère de famille est spécialiste du système D. Mais brusquement, mes pensées se sont mises à spinner d’une manière peu habituelle, m’apportant des pics au cœur. À trop lire d’un trait ou en diago des articles d’experts, les analyser, imaginer des scénarios de fin du monde, notre bungalow est devenu forteresse. J’étais la reine. Ma louve, la princesse. Un mindset de principauté pour oublier que j’incarne le staff non-essentiel de la crise. Que malgré mon calendrier professionnel 2020 setté au quart de tour, être mère et femme au foyer allaient primer. Ciao bye l’entrepreneure! Adieu femme libre! Torche, lave, cuisine, t’as le temps de niaiser! Plusieurs projets ont été reportés, d’autres annulés. Du temps, celui qui d’ordinaire me rend chiche, m’était livré à la porte dans une boîte grand format. Je l’ai ouverte avec des gants. Pour faire sûr. À l’intérieur, du papier bulle en quantité industrielle. Du Purell, y’en avait plus! Soudain, au travers du plastique transparent, j’entends des voix :
C’est vrai que j’allais être à boute rapidement, mais ce n’est rien à côté de l’homme du bungalow, mon p’tit mari, mon roc, le coordonnateur d’un CPE, et donc LE travailleur essentiel de la maisonnée. Au centre de la crise, il côtoie des gens, il est à risque; on s’entend donc sur le fait qu’il sera la personne désignée pour tout ce qui concerne les contacts avec le dehors : épicerie, pharmacie, SAQ… Gilles, ce n’est pas notre roi. On s’en passe. C’est notre chevalier. Sans armure apparente, mais les cheveux assez longs pour avoir la tête de l’emploi! Il quitte chaque jour le château qu’il protège (tout en l’affaiblissant) pour mettre en place les mesures nécessaires afin d’accueillir les enfants des autres travailleurs essentiels. Comme j’ai du temps, louve reste à la maison. Elle rebaptise d’ailleurs le coronavirus « la grosse grippe ». On vit sans horaire, au gré des envies, de l’énergie dispo, de la météo. J’arrive même à reprendre le sommeil évaporé des trois dernières années. P’tit mari (dit le chevalier) est très pris par la gestion de la crise, alors je m’acharne sur ma fille à qui je propose tous mes classiques cinématographiques d’enfance : Cendrillon, La Belle au bois dormant, La Belle et la Bête, Peter Pan puis je migre vers la modernité avec Rebelle, Raiponce, Moana et la sympathique petite Sofia. Ma louve s’éprend de cet univers Disney et s’amuse à incarner ses princesses préférées. Un matin, notre preux chevalier était sur son départ :
Oups! Mes dommages! Sinon, on colore non-stop, téléchargeant quotidiennement les œuvres de Bach Illustrations en contrepartie d’un don. On apprend la chorée du clip « Je décolle » de Marie-Mai. On prépare des muffins si gras qu’ils donneraient une attaque à Madame Labriski. On se promène à pied, à vélo, en trottinette, si bien que les voisins et les résidents des 3 rues du quartier reconnaissent les progrès de la jeune piétonne/cycliste/trotinettiste et les lui partagent (les retraités du voisinage, notre tissu social!). On dessine des jeux de marelle puis on récidive après chaque bordée. Heureuses d’un printemps qui ne nous chauffe pas tant la couenne. Au travers, je lâche le « on » et j’effectue quelques tâches ménagères. Pas trop. Le confinement apporte son lot de répétitions. Je m’applique également à trouver des stratégies pour améliorer le niveau de motricité de notre louve, lui créant des parkours, puis je concentre mes efforts sur son cognitif, en downloadant les cahiers d’Isabelle Filliozat en accès libre. Il me prend quelque chose comme une crainte que notre contexte royal ne fasse d’elle une gâtée pourrie, en retard (de surcroît!) sur ses amis lorsqu’elle retournera en CPE. Mes actions sont disproportionnées, mes intentions affectées. Faut comprendre, mon unique rendez-vous d’adulte de la journée, c’est le point de presse du trio de la Santé sur le coup de 13 h. Dès 12 h 50, je branche ma louve sur la tablette (merci à l’appli Coucou de Télé-Québec) et je prends place dans ma vieille berçante avec une doudou, un espresso et une gâterie pour assouvir ma boulimie de pandémie. Au bout de 3 semaines, je n'ai toujours pas désactivé les notifications de Google Agenda. C’est voulu. Je joue à faire semblant, je suis bonne là-dedans! Allez Marie-Ève, à la douche! Au fer plat! Au maquillage! Tu as un atelier, une conférence, des réunions de comité, un lancement à préparer… Mon téléphone m’informe que ma planif serrée est parsemée d’Aire Lousse. Je me rappelle qu’en janvier dernier, j’annonçais que 2020 allait être ma « grande » année. C’est là que le p’tit verre de vin de fin de journée, puis celui du lendemain midi se sont invités à ma table. 2020, il ne me reste que ta photo dans ma main… Au fil des marches, on compte les arcs-en-ciel, ceux accrochés aux fenêtres des maisons. Les créatifs. Les imprimés. Plus nombreux. À croire qu’on lave pus nos vitres. On croise des autos qui nous font penser au VUS de mamie, à celui de tante Annie, mais elles font juste leur ressembler. C’est impossible. Le cœur se confine peu à peu… Je m’embourbe dans la fiction pour nourrir le déni. J’ai l’impression que tout va bien aller, ben plus qu’avec les bazouels d’arcs-en-ciel. Sauf dans un épisode de This Is Us – saison 4 – dans lequel la copine de Kevin bouffe une soupe de chauve-souris au Vietnam. S’ensuit une nuit de forte fièvre et de vomissements. Finalement, la fiction est toujours trop près de la réalité. Quand on parvient à être trois, on cuisine comme s’il n’y avait pas de lendemain, parce que de ça non plus, on n’est pas certains. Je te jure, on popote à ce point qu’on pourrait nourrir la Famille Groulx au moins pour une semaine! On fait nos ingénieux, on divise en portion, on congèle. « Pour la vie d’après », que je me dis. Toujours dans l’optique de prendre de l’avance, ou plutôt d’augmenter notre level d’organisation qui était déficient. Nos Tupperware étant tous utilisés, on surveille les alertes aux rabais sur la machine à sceller. Et puis bon, confinement s’étire, l’été se pointera avant quiconque. Je laisse tomber l’idée de rattraper mon retard, puis celle de prendre de l’avance. C’est superficiel et anxiogène. Je t’avoue que les deux dernières semaines, j’ai eu tout un down. Je me suis sentie comme Rose à la fin de Titanic, qui regarde le bateau de secours s’en aller et qui chuchote en grelotant : « y a moi, y a moi! ». Ça n’a pas duré, t’inquiète, c’était hormonal. Je me suis déposée, un tant soit peu, sans rendre les armes. Je me suis sentie comme quelqu’un qui reçoit un diagnostic flou, à la fois individuel et collectif, et j’ai compris que je devais me mettre à vivre au temps de la COVID. À chasser la performance pour épouser l’essentiel. Mon couple, ma trinité. Moi. De quoi ai-je envie dans les paramètres que je contrôle? J’ai médité là-dessus en écoutant Stréliski. Et j’ai écrit. Aussi, je me suis mise à redécorer des recoins de bungalow, changeant les tableaux de place, faisant de petites emplettes (en ligne et de couleur bleue), mettant du beau alentour, puis la température s’est adoucie, on a additionné les sorties à la plage, à la baie. La nature pour nous décontaminer l’esprit. Le confinement en une révélation : le jeu! Je joue à être la personne la plus importante de ma vie, mais c’est de la poudre aux yeux; je joue à être une bonne personne; le suis-je vraiment? Être bon, en soi, c’est être soi. Suis-je vraiment moi-même? Souvent, je me perçois comme une dose cheap de café filtré dans une machine distributrice et servi dans un verre de styromousse. Je manque de saveur. Avec les autres, il y a quelque chose qui ne traverse pas l’écran. Parce que je me censure. Et je le fais parce que je suis trop. Mais être trop, c’est mieux que pas assez. Non? J’ai décidé de me décoincer. D’abord, en acceptant l’immuable. Je suis une solitaire, limite une sauvage. De plus, je ne m’ennuie jamais. Je ne ressens pas l’envie de « zoomer » avec des amis ou d’être pendue au téléphone pendant des heures et d’entretenir des relations COVID. Je préfère de loin attendre le déconfinement. Ou prétendre à l’épistolaire. Je suis celle-là, comme chante Céline. Puis en permettant la nouveauté : avec ma fille dans les parages 24 sur 24, je mange et je me couche à des heures régulières, je prends l’air, je bouge. D’ailleurs, ma glande thyroïde m’en remercie. Je reconnecte avec l’enfant que j’étais. Et cette enfant-là, elle est très décomplexée. Je te jase de moi. Pendant ce temps, au Québec et dans le monde, des gens meurent. La COVID-19 s’attaque aux aînés que l’on a abandonnés. Certains meurent affamés et en piètres conditions d’hygiène. Le Québec porte une honte et une culpabilité. « Je me souviens » de la pandémie de 2020? À suivre… Dans mon bout du monde, à Gaspé, un léger frémissement. J’ai une soudaine pensée pour mon ancien travail. Si j’étais encore en poste, je serais en contact (en soutien à distance) avec les jeunes du secondaire qui ne retourneront pas à l’école, qui gradueront sans célébrations, avec ceux qui auront plus envie que jamais de décrocher, en totale perte de motivation. Je pourrais également effectuer des signalements. Je me sentirais utile. Je me situerais en périphérie du front et ça m’irait. Mais j’ai fait un choix autre. Celui de m’assumer en tant qu’artiste. Je suis travailleuse autonome. Une entrepreneure culturelle. Bam! Je ne suis pas essentielle. Pourtant, Legault a interpellé les artistes, les jeunes comme les vieux, dans ses premiers points de presse. Parce qu’il sait l’influence. Réelle et positive. Il était urgent de faire comprendre aux ados et jeunes adultes d’éviter les partys ou tout autre rassemblement puis de convaincre les aînés de ne pas sortir pour s’acheter des maudits gratteux. Les artistes ont répondu à l’appel! Même Mme Jeannette s’est fait aller le mâche-patate! Ils se sont manifestés, plus vite encore que les médecins (bon, ça c’est un autre sujet!). De toute façon, ils avaient déjà initié des actions de leur propre chef. Parce qu’un artiste, c’est un créateur de contenu, un imaginatif, un généreux. Ils se sont branchés sur les Internet et ont déversé gratuitement leur génie (perfos, directs – merci Arnaud Soly! – échanges avec les internautes). C’est bien connu, un artiste se vire sur un 10 cents. Si la culture est l'un des parents pauvres de la pandémie, l’artiste est le fou du roi. Le gouvernement est-il au courant que les artistes sont en grande majorité des parents qui gardent le fort, puisqu’ils sont « non-essentiels »? Dans un point de presse, Legault s’adressant « au parent » responsable de son ménage a prononcé ces mots : « prenez soin de votre travailleur essentiel ». Esti! J’ai fulminé! Ça va de soi qu’on épaule notre conjoint.e, qu’on fasse notre grande part, que la charge mentale est moins partagée, c’est NORMAL. Sa charge à lui, à elle, elle est immense. Je trouve ça effronté de penser ou plutôt de ne pas penser que le non-essentiel est aussi en cause dans la réussite de ce plan de moins en moins congruent. Le front a le visage de la santé physique. En banlieue, des artistes et autres intervenants s’occupent de la santé mentale. Se peut-il que le gouvernement, dépassé, ait du front tout le tour de la tête? Dans notre bungalow, la reine et le chevalier sont unis pour le meilleur et pour le pire. Et si c’était le pire? Alors dans l’élan de m’occuper du vivant en moi – dire que j’ai écrit un essai sur l’art-triste à l’université! –, je me suis mise à ÊTRE à 100%, ce qui donne lieu à une plus grande exposition sur les réseaux sociaux. À beaucoup de niaiseries (mon humour est solide douteux!). À des opinions, aussi. Je fais des stories sur le gram où je note les meilleures quotes de ma louve. Je publie surtout pour ma tante infirmière, cette travailleuse essentielle, pour qui c’est « sa puff de rire » du jour. Je m’affiche spontanément et sans réfléchir, abusant des émoticônes. Quand ça force, je start mon vieux char pour le dérouiller et on fait le tour de la baie. À noter que je roule sur la même tank depuis mi-mars. Conduire, c’est tellement apaisant. Sauf pour les marcheurs que l’on effraie à cause du bruit venant du muffler. J’insère mon vieux CD d’Okoumé pis avec louve, on chante fort « Les idées courent ». Je suis privilégiée. Je le sais. Je suis une confinée de luxe. Mes grands-parents maternels et paternels habitent dans une maison, non en foyer ou en résidence. Et ils sont bien entourés. Mon principal drame de la semaine, quand drame il y a, c’est de ne pas recevoir mon café tel que commandé. En plus, ma fille qui d’ordinaire au CPE attrape tous les mautadine de virus (on a été malades de janvier à mars) est en parfaite santé. 8 semaines sans utiliser d’Advil, de Tempra et de Ventolin! C’est de la science-fiction! Mon vin triste est rendu joyeux, et en moindre quantité. J’essaie de ne pas projeter, mais je dois le faire un minimum en tant qu’entrepreneure. Par exemple, je sais que j’ai envie de me rapprocher des aînés, de créer avec eux. Pour le moment, je pioche sur la suite de mon roman et j’ai décidé de m’inscrire au Défi virtuel GASPESIA 100 NÄAK. Pour me mettre en forme, me fixer un objectif, sécréter de l’endorphine (et je vais te le dire, pour ne pas sortir de cette crise avec un gros cul et du diabète). J’ai déprogrammé les notifications de mon agenda pour cesser de vivre dans un temps inconjugable. Parce que la COVID est sur le point de nous atteindre. Le léger frémissement du bout du monde deviendra houle et peut-être même un ras de marée. J’ai en tête que s’il me court après, je lui donnerai à tout le moins un peu de fil à retordre. Je veux être là, après. Je veux vivre. Et témoigner de ma « chance » d’avoir vécu un confinement en Gaspésie. Parce que le Québec se déplie alors qu’il est infecté. Et que déplier, c’est plus dur que de plier. Mes remerciements du jour, pour employer la formule à Legault, vont à toi, le non-essentiel. Sache que tu es l’ange gardien. Le PM s’est trompé : les médecins, les infirmiers.ères, les préposés.es, les éducateurs.trices… ce sont des soldats. Ils l’étaient bien avant que l’armée débarque. Et je les salue bien bas! Séguin l’a chanté à TLMEP, tout en denim et tignasse poivre et sel, il faut RESTER DEBOUT! Auteure: Marie-Ève Trudel-Vibert
10/11/2019
Viens-tu faire saucette?Auteure: Marie-Ève Trudel-Vibert Enjoy the ride! m’a lancé mon p’tit mari avant la première réunion de la 8e édition de la Saucette au profit d’Opération Enfant Soleil. Faudra bien y prendre plaisir puisque pendant 2 mois, mes « Air Lousse » seront dédiés à la Saucette. Mon rôle au sein du comité organisateur est de recruter les sauceurs, d’effectuer le suivi des inscriptions, d’être en contact avec l’organisme porteur (allô Vicky!) puis d’établir et d’exécuter un plan de communication/promotion + toute autre tâche connexe. « Chers sauceurs, chères sauceuses... » Te dire le nombre de fois que j’ai rédigé cette formule d’appel. Que mon autocorrecteur s’en est mêlé. Te dire mon niveau de honte après avoir envoyé par négligence aux principaux intéressés : « chers s%ceurs, chères s%ceuses... » Je te laisse deviner quelle voyelle remplace le pourcentage... Rions-en donc! Au fait, tu connais la Saucette? Depuis 2011, à la mi-décembre, une gang d’humains se baigne dans la mer de Percé dans une météo imprévisible avec pour simple tenue un maillot, des souliers d’eau et quelques artifices pour épater la beach! Cette idée de génie vient d’une petite famille nichée dans la route des Failles, à Percé. Le 1er janvier 2011, je m’y suis pointée, car mon amie Tina qui habite en France, était de passage dans son patelin pour les fêtes (moi-même, j’étais de retour en terre natale après 8 ans d’exil). Elle arrivait d’une brève saucette au ras du quai avec sa sœur Karen, ses parents et des amis. Je n’en revenais pas! Pourquoi des gens sensés (a priori) se font consciemment mal? Parce que faire trempette dans l’eau frette, c’est pas chaud pour la pompe à l’eau... (je n’ai pas trouvé le pendant féminin de l’expression, je sais, c’est une tragédie!). Pourquoi se jeter dans une mer à 1 degré et une température extérieure qui se situe davantage dans les - que dans les +? Pour finir l’année du bon pied? Entamer la nouvelle en étant fraîchement lavé de ses péchés? Pratiquer un sport extrême pour remporter une séance de spa? Lucarnée d’œillères, j’avance quelque chose comme :
Karen de rétorquer :
L’écho s’est empressé de répondre, comme s’il s’agissait de l’association la plus logique au monde :
Y a des causes, des logos, des histoires qui trouvent le chemin de notre humanité. C’est le cas de cet organisme à but non lucratif qui amasse depuis 31 ans des fonds pour soutenir le développement d’une pédiatrie de qualité pour tous les enfants du Québec. Pour ma petite sœur Émilie, qui a été atteinte d’une maladie rénale à l’âge de 4 ans, Opération Enfant Soleil était là. Difficile de ne pas leur rendre la pareille. Impossible de nous éclipser, même après mille mercis, de poursuivre notre route sans redonner, sans inonder notre quotidien de petits soleils. Sans faire notre don annuel à la hauteur des moyens du cœur. Je me souviens que l’on regardait religieusement le téléthon, développant une sorte d’amitié télévisuelle envers les animateurs et les enfants que l’on voyait évoluer au fil des années; certains guérissaient, d’autres mouraient. Nous, on pleurait. Éprise d’affection pour Marie Soleil Tougas qui a animé le Téléthon Opération Enfant Soleil pendant 6 ans, et qui a quitté ce monde en 1997, je me rappelle de ce moment mémorable en 1994 alors qu’elle coanimait avec son ami Francis Reddy. Elle a pris une grande inspiration avant de présenter le numéro qui allait marquer l’histoire du téléthon, soit celui de David Brunet, un jeune homme de 16 ans atteint d’une leucémie aiguë qui souhaitait chanter pour exprimer un message d’espoir. Il s’est attaqué à la chanson Si fragile de Luc De Larochellière, à la fois avec force et douceur. À sa grande surprise, la nôtre comprise, Luc est monté sur la scène pour terminer le morceau avec lui. Personne dans notre salon n’avait les yeux secs. Fort à parier qu’on n’était pas les seuls au Québec. Il y a eu un standing ovation. Les animateurs étaient complètement chamboulés. Quoi de plus normal « quand la vie n’est pas faite pour mourir, quand on meurt souvent bien entendu, car la vie est si fragile... » David est décédé peu de temps après. Comme plusieurs Enfants Soleil. Ces petits astres qui nous réchauffent sous un ciel plus glorieux, à des années-lumière de la souffrance. Le 1er janvier 2011, j’ai pris un engagement conséquent. Et avec la partenaire idéale. Karen et moi, on se ressemble! Quand on a de quoi dans la tête, on ne l’a pas dans les pieds. Avec un fun fou, et une intention claire, nous avons cofondé la Saucette au profit d’Opération Enfant Soleil, une activité de financement pas comme les autres, pour faire notre petite part et promouvoir notre village en hiver! Here we go! Unissant nos compétences et nos intérêts, nous avons bâti à notre image un événement original moussé par des plans de promotion tous plus rigolos et amateurs les uns que les autres. On en a posté des publications niaiseuses, on en a tourné des vidéos quétaines, du stock qui vieillit mal, mais qui fonctionnait à l’époque. On n’avait pas d’orgueil, deux grands réseaux de contacts et le petit bébé de Zuckerberg (je parle de Facebook!). La première édition a eu lieu comme prévu, au lendemain de Noël, le 26 décembre 2011. Une Saucette, ça te soigne un hangover sur un Jésus de temps! On était 20 participants à se partager un petit local chauffé prêté par l’Office du tourisme avec un accès aux toilettes municipales qui étaient ouvertes pour l’occasion. Ce n’était pas le gros luxe, mais j’en conserve d’excellents souvenirs. Comme on venait de recevoir une bordée de peaux de lièvres, il fallait pelleter la rue du quai, littéralement, avec l’aide des membres de nos familles respectives, nos amis, nos connaissances, bref... des volontaires! Puis on devait préparer minimalement le site pour être en mesure d’accueillir les visiteurs : un coin bouffe, un peu de déco et d’animation. Outre les heures de bénévolat, on a investi des sous pour pallier les dépenses comme les bonbonnes de propane, la nourriture, les accessoires (les tuques de Père Noël!), etc. Pas question de toucher à la cagnotte! À l’aide des médias travaillés en amont et des réseaux sociaux, la première Saucette a attiré une foule respectable et on a amassé un montant de 5 700 $. On avait gagné notre pari. Plus rien ne pouvait nous arrêter.
Here we go again! On a remis ça une 2e (50 sauceurs/11 870 $), une 3e (102 sauceurs/25 450 $) puis une 4e fois (150 sauceurs/30 000 $). On conservait la même recette (y a pas deux façons de faire saucette!) tout en y ajoutant du crémage, d’année en année : des feux, des mascottes, de la musique, des bouillons, un marché des artisans, un « week-end Saucette », etc. On a créé de nombreux partenariats, déménagé l’espace-sauceur dans la Saline (SEPAQ), on s’est même fait commanditer des chars (merci à M. Reader de chez Gaspé Toyota) pour tenir les sauceurs au chaud avant leur baignade. En fin de parcours, on a remporté le prix Coup de cœur du jury en philanthropie de l’AFP, l’Association des professionnels en philanthropie qui représente plus de 31 000 membres dans plus de 240 sections dans le monde. Tout ça, c’était gratifiant. Grandissant. Ça débordait un peu sur nos vies. Après réflexion, on a passé le flambeau à deux femmes lumineuses, Lisa-Marie et Caroline (gros hug les girls!); avec leur complicité sans équivoque et leur motivation face au projet, elles ont continué de développer la Saucette le temps de deux éditions; à l’an 5, elles ont recruté le nombre record de 182 sauceurs pour un montant global de 43 411 $, et à l’an 6, elles ont convaincu 120 sauceurs pour une somme de 29 000 $. Tsé, du bel ouvrage! Puis il y a eu une année tampon, faute de relève et dans un contexte plus ou moins favorable pour Percé. « La vie est si fragile... » Mais la communauté n’avait pas dit son dernier mot! La Saucette faisait partie intégrante du tissu social, elle avait son carreau dans la courtepointe de la Ville. Fallait la ramener. Pis sur-le-champ à part de ça! Mes sista ont repris les rênes en incluant des personnes intéressées; la Saucette est dirigée depuis par un comité organisateur. À bas les duos! Ce comité m’a recrutée et je ne me suis pas fait prier. Après deux ans d’arrêt, je m’étais bien reposée. Et j’avais une raison de plus pour m’enrôler : une petite louve en pleine santé. Question de revenir en grand, on a décidé que pour la 7e édition, la Saucette allait déménager ses gougounes du côté de l’anse du Sud pour profiter du nouvel aménagement et surtout du Pavillon des Grandes Marées. On voulait être en mesure d’offrir plus d’espace et de confort aux sauceurs (un accès aux douches, point de salut!). Le succès de cette édition a été manifeste avec 90 sauceurs et un montant amassé de 41 263 $; aussi on a décidé de poursuivre sur cet élan-là. Nous lançons donc la 8e édition de la Saucette! Cette année, on s’enligne pour dépasser les 200 000 $ à avoir été versés à Opération Enfant Soleil. 200 000! En 7 ans, 714 participants se sont saucés dans la mer de Percé pour une cagnotte de 186 694 $. Je suis fière. C’est une fierté personnelle et collective. Intime et partagée. Pour moi, il y a deux côtés à la Saucette. Tout d’abord, c’est une question de dépassement de soi. Je me suis saucée à 6 reprises (sur 7!), car en 2015 j’étais enceinte. Je suis toujours stressée, cinq minutes avant l’entrée à l’eau. À tous les coups, j’appréhende les lames de couteau qui vont percer ma chair. L’engourdissement qui surviendra tout de suite après. Puis plus rien. La paralysie. Je sors ou j’y reste. Tout ça en 10 secondes top chrono. Nos corps ne réagissent pas tous de la même manière. Certains sauceurs plongent tête première malgré la consigne et vont même jusqu’à faire quelques brasses. Ce n’est pas mon cas, je suis pas mal moins tenace. Mais je fais saucette. Parce que ça me réchauffe le dedans pour les mois à venir... Puis il y a les rencontres avec les sauceurs qui comptent dans leur rang des parents. Des papas et des mamans qui ont perdu un enfant. Qui après avoir reçu comme une claque au visage un diagnostique de dix pieds de long, après avoir passé des moments interminables dans les hôpitaux et souvent à des kilomètres de leur maison, après avoir accompagné leur enfant vers la mort, se présentent sur la plage en maillot et brandissent avec tout l’amour qui les habite encore, l’affiche montrant la bouille souriante de leur petit disparu surplombé du logo d’Opération Enfant Soleil. Ces images que l’on capte chaque année, de parents survivants et de leur Enfant Soleil avec le rocher Percé en arrière-plan, c’est la dose de réalisme à travers le spectacle, les costumes, la désormais tradition. Ces papas et ces mamans s'enfoncent dans la mer en la fouettant de coups de pied; ils n’ont pas mal, ils lui font mal. Ils ne ressentent pas les lames de couteau qui me transpercent. Ils sont déjà passés par là, plus d’une fois. Pour eux, participer à la Saucette, c’est poser un geste en toute connaissance de cause. C’est une façon de boucler la boucle, d’alléger le parcours obligé d’autres parents, de donner à leur tour même s’ils n’ont pas gagné. Leur générosité prouve qu’ils n’ont pas tout à fait perdu. Et ça, tu vois, ça me traverse en entier. Ça m’habite à longueur d’année. Depuis 2011, j’ai changé. La Saucette m’a changée. Même si je sais que j’y suis pour rien, pendant que je mimosate le 25 décembre au matin, ces Enfants Soleil en jaquette d’hôpital n’attendent plus rien de la vie. Ils l’incarnent. Eux, ils ont compris. Alors voilà, je m’arrête ici parce que je ressens comme un trop-plein d’émotions. Je tenais à te parler de ma version de l’histoire, mais au nombre d’acteurs impliqués depuis 8 ans dans la Saucette, y’en aurait long à conter. Des pages d’anecdotes. Un livre, peut-être!? Pour les 10 ans!? Tiens... une autre idée de projet! Le 14 décembre prochain, pour une 8e fois, on se jette à l’eau pour la cause des enfants malades. On t’invite chaleureusement à venir faire ton p’tit tour! Karen et moi, en souvenir du bon vieux temps, on forme l’équipe des cofondatrices Karen & Marie-Ève. On est toujours en mode recrutement, si ça te dit, écris-moi : saucetteoes@gmail.com. Pour donner : http://dons.operationenfantsoleil.ca/Pages/Partners/Partner.aspx?partner=806 Pour inscrire ton équipe : https://www.jedonneenligne.org/operationenfantsoleil/LASAUCETTE2019CAPITAINE/?nologizoneprompt=1 Pour t’inscrire en solo dans l’équipe des Braves : https://www.jedonneenligne.org/operationenfantsoleil/LASAUCETTE2019/?nologizoneprompt=1 Suis-nous sur Facebook et sur Instagram! Auteure : Marie-Ève Trudel-Vibert Allo! Je m’adresse à toi, belle (à Gaspé, on dit belle ou chère belle pis des fois on pousse la note à chère belle chère...). Je t’offre mes meilleurs vœux en cette nouvelle année. Je le fais toujours jusqu’à la fin du mois. Nous y voilà! Comment vas-tu en ce janvier frette, enneigé, mouillé et verglacé? Te sens-tu plus neuve, plus clean ou encline à le devenir, plus énergisée, te projettes-tu vers l’avant? Chez nous, la traversée a été rough & tough; mon noyau a été quelque peu virulent de la mi-décembre à… maintenant! Dans l’ordre de l’attaque : le streptocoque, les vers intestinaux (j’y vois un stratège marketing; ils sont revenus à temps pour l'annonce de la série Les filles de Caleb à ICI ARTV), la grippe musculaire (un peu amoindrie par le vaccin, je crois...) et la fidèle gastro! On en sort tout juste, avec un bon p'tit rhume en sus (bof, rien là!) puis cette impression de vivre en apnée : trop de médocs, de nuits d’insomnie, d’inconforts. On a été malade à la queue leu leu et je te jure que ce n’était pas un drôle de jeu… J’étais en train d’en faire tout un plat quand je me suis rappelé qu’à la même période l’an dernier, on a vécu un copier-coller (sauf pour les vers!). À l’époque — il me semble que ça fait dix ans —, j’étais encore sur un payroll et j’ai dû écouler ma banque de congés — tous maux confondus — pour survivre à nos trois corps malades. La différence? La posture. Le changement de posture. En janvier 2018, ma santé globale n’était pas au beau fixe : débalancement de ma glande thyroïde, démotivation extrême au boulot… alors le simple fait de contracter des virus aussi bénins qu’indésirables qui allaient à très court terme me mettre K.-O. avec effet domino venait alourdir la corde à linge de mes pensées. Dans mon coco, il s’est mis à venter pas mal fort. La poulie grinçait, menaçant de se décorcer. Mes pensées comme des vêtements encore trempés se détachaient de la corde, pièce par pièce. Je les regardais, désolée, se déchirer en lambeaux sur les pointes usées de notre haie de cèdres. J’attendais que ma brassée se dilapide en forêt, sur le bord de la route, qu’elle aille s’évanouir sur les cabanes de pêcheurs au beau milieu de la baie. Je me disais qu'une fois la corde nue, je pourrais me pendre avec. Ce genre de scénario bidon auquel on ne croit pas une seconde, qu’on médite comme un fantasme, juste pour voir… Puis la vie continue, on se retape la poutine de la routine, on start encore et toujours une nouvelle brassée. On se tord à spin. On s’étend sur la corde. On attend que ça passe. Connais-tu cette attente, chère belle? Pis si je te disais que mon analogie quoique loquace manque de vérité. Si je te racontais que chez nous, y'en a pas de corde à linge parce que je n’aime pas l'odeur du dehors qui s'imprègne dans les vêtements. Que c'est bien mal assise sur le carrelage de la salle de bain en face de ma sécheuse frontale que j'attendais. Regardant les tissus s'entremêler, se bagarrer une place, se faire sécher. Si je te partageais tout ça, comprendrais-tu l'état d'étouffement, d'isolement, de repli sur soi? Y saisirais-tu mon désenchantement? Au printemps 2018, j’ai quitté ma vie de salariée pour me lancer dans le vide. Bon… ce n’était pas le vide absolu parce que mon entreprise avait un pouls et que mon petit mari était mon grand filet de sécurité. Mais pour une femme — on dirait que l’âme suant de toutes celles qui ont milité pour nos droits impacte la mienne —, abandonner un titre, une paie, une stabilité, ça venait avec une pression... d'abord familiale. Même si mon salaire n'était pas faramineux, il était respectable (dans les cinq chiffres) et il me permettait de contribuer presque à égalité au « ménage ». Par ma décision à la fois personnelle et professionnelle, je nous fragilisais. Certains y ont vu du courage. D'autres ont d'emblée donné le titre du héros à l'homme de la maison. C'était lui, Superman. Le bon mari. Le pourvoyeur. J'avais dorénavant un pimp. Ayant fait le move le plus important de ma vie, étant morte de trouille et sur un rush d'adrénaline constant, je me coltinais le pot avant les fleurs. C'est comme ça. Je suis une femme ambitieuse, rêveuse, déterminée. Même en 2019, c'est reprochable. Je vais t'en parler, chère belle chère. Moins amère, plus libre. Je vais te causer. Pour la CAUSE. Au retour du travail, par un mercredi soir du mois de mars 2018, je roulais sur le boulevard de York en direction de la maison. Dans ma Kia Rio 2007, j’ai un lecteur CD (le gros luxe!); c'est le groupe Dans l’Shed qui jouait, plus précisément la toune Barre à clous. Il vente aujourd’hui. Il vente aujourd’hui. À coups de barre à clous dans ma galerie. […] J’ai le cœur qui prend l’eau. J’ai le cœur qui prend l’eau. À coups de barre à clous dans mon patio. J’en faisais wiper mes essuie-glaces, même s’il ne tombait aucune précipitation. Le bruit du caoutchouc qui frottait sur le pare-brise me gardait on track. Pleine de sa journée au CPE, ma louve dormait au creux de son siège sur le banc arrière. Je l’enviais de cette plénitude. J'aurais voulu lui piquer sa doudou, y renifler l'Ivory Neige, dormir à ses côtés, me faire raccompagner. Mais c'était moi, le foutu service de raccompagnement! Alors j'ai focalisé sur l’espace disponible entre la ligne jaune et la blanche. L’espace qui convient. Parce que la route, ça se partage. J’ai compris à ce moment précis que je n’étais pas faite pour évoluer entre deux lignes définies par un code de couleurs. Sur la route… OK. Sur la trail de ma vie : no way! Plus question de modérer mes transports! Tu sais, chère belle, je n'étais pas la parfaite maman cinglante, j'étais même une maman seyante. C'est la balance de mes rôles qui allait chez le diable! Je n'étais pas particulièrement folle, dérangée, puckée; j'étais juste à boutte de passer à côté de moi. De ne pas m'exprimer autant que j'en avais envie, de ne pas assumer le fait que depuis mon accouchement, je m'en fiche de mes cheveux en bataille pis de m'habiller en mou. J'étais à boutte de m'empêcher de pleurer ou de rire trop fort en public, de nourrir des opinions qui détonnent... pis tellement d'etc. La coupe était pleine. Je ne pouvais plus boire de ce vin cheap là. En soirée, j’ai discuté avec mon acolyte (tsé, le super-héros...). Il m'a rappelé qu'à la fin de la semaine, j’avais rendez-vous avec mon médecin de famille. Ça faisait bien. J’ai tenu le coup. Ce vendredi matin là à 8h30, je suis rentrée dans le bureau de ma doc à l'UMF; sans bruit, souriant par politesse, j'avançais en bottes de marche sur un fil de soie.
Question simple, ouverte et percutante. J’ai éclaté en sanglots. Ce genre d’averse électrisante pour laquelle il vous faut une parka, des bottes de pluie, pas de marche. Un paratonnerre. Ma doc a pris son temps, le sien propre, parce que le temps des autres, elle ne l’avait pas; il lui glissait entre les doigts à chaque larme de plomb qui gravait sur mes joues cet appel à l'aide. On a bossé fort, ensemble, pour que la crise passe. Vidant la moitié de mon sac. Après, juste après, elle m’a dit :
J'ai rembarqué dans mon vieux char, fait tourner le moteur, avec pour seule prescription une semaine de repos. Pas de pilule, de petite granule, d'infusion ni d'injection. Pour me remettre su'l piton, j'allais devoir pieuter. Ne pas travailler. Choc symptomatique. Du genre, tu ris et tu pleures en même temps. Ce que j'avais l'air bête! J'ai foutu le gribouillis de ma doc dans mon case de téléphone et mon lecteur CD s'est mis en route. Disque jaune des Cowboys Fringants. Joyeux Calvaire. Ah pis fuck off. J'ai ressorti mon papier pour le photographier. Nenon... je n'ai pas posté la photo sur Instagram. Même avec un filtre, la réalité allait rester inchangée. Je l'ai courriellée à ma patronne. Puis je suis rentrée à la maison. Cette semaine-là, je devais rédiger un article en tant que maman invitée pour le blogue MAMA Gaspésie. Bloquée de toutes mes pores, je n'avais pas réussi à pondre un papier qui se tient. Aussi, il me restait 24 h pour le faire. Louve était au CPE, petit mari au boulot... y faisait vide dans le bungalow! Je me suis mise à écrire, à toute vitesse, crachant tour à tour mon venin et mon amour. J'ai vidé une autre partie de mon sac et, bonne élève, j'ai rendu mon article à temps. Je ne savais pas qu'il se produirait quelque chose de notable. Sur deux tableaux. MAMA Gaspésie : au surlendemain de la publication de mon article, Sarah (l'idéatrice, la webmestre, l'ange!) m'a demandé de devenir officiellement collaboratrice pour La Côte-de-Gaspé. What!? Intégrer une gang (même si c'est virtuel, c'est engageant!) et amorcer un nouveau projet lié à l'écriture = MOTIVATION! Prescription : j'ai profité de ma semaine de repos pour visionner en rafales This Is Us (Notre vie). C’est souvent — lire tout le temps — la fiction qui vient souder les faits légers et moins digestes de ma réalité. Jack, Rebecca et leur trâlée m'ont rappelé la beauté, l'amour inconditionnel, la force surhumaine du noyau familial. Au-delà des obstacles, des qu'en-dira-t-on, au-delà même de la mort... être ensemble. J'ai su ce qu'il me restait à faire. Démissionner. Pour que les crises d'angoisse s'espacent jusqu'à s'estomper complètement. Pour me sevrer d'une vie qui n'est plus raccord. Pour émerger en tant qu'entrepreneure, d'ailleurs j'écrirai là-dessus bientôt... Quand on se choisit, on doit faire face aux « hommages » collatéraux. C'est de cette manière que j'ai décidé de prendre toutes les remarques constructives ou critiques. Comme des hommages. Après tout, lors du jugement dernier, que me restera-t-il? J'ose croire que pour le geste fou d'avoir fait de ma vie une priorité, j'aurai bâti une pas pire jurisprudence. Aujourd’hui chère belle, c’est la journée Bell Cause pour la cause. Tu aimes émettre des gazouillis, t’exprimer sur les réseaux sociaux, envoyer des textos? Sers-toi du mot-clic #BellCause, visionne les vidéos ou utilise les filtres Snapchat et Facebook et Bell versera 5 ¢ pour des initiatives en santé mentale. Engage la conversation pour ajouter ton grain de sel et ainsi favoriser une meilleure compréhension des problèmes vécus par les gens qui souffrent... comme toi, peut-être... Chère belle chère, tu as déjà entendu le vieil — et encore actuel — adage « sois belle et tais-toi »? En ce 30 janvier, je te dis : sois BELL et cause de toi. Tu en as le droit. Tant de femmes se sont battues pour cela. Tu as des enfants?
Une personne partage ta vie? Ton métier, l'aimes-tu? Tu as des passions? Tu nourris des rêves? Prends soin, belle. Tu mérites d'être ta plus grande réussite. Bye la! #BellCause
25/4/2018
La fin des sacrementsAuteure : Marie-Ève Trudel Vibert Levons-nous pour accueillir le célébrant.
Bon, restez confortablement assis, je vous en prie, c’est juste une phrase qui passait en coup de vent dans ma tête, comme plusieurs autres. Mais celle-là a ceci de particulier qu’elle m’a inspiré un article. Plus que ça. Un cri. Ben oui… un autre. Je crie souvent dans ma vie. Contexte : c’est le dimanche de Pâques dans la petite cuisine de la matriarche du clan Trudel-Leblanc. On s’y tient là, une poignée de cousins, cousines, oncles et tantes au lendemain d’un gros party à la salle communautaire où on officiait, au Fireball, les 80 printemps de mon grand-papa maternel et le 60e anniversaire de mariage du couple. Un brin fatigués et maganés de la veille, on s’empiffre des restants de petits pains fourrés. C’est là que… -Pourquoi Louane n’est pas encore baptisée? [Si vous avez lu mon premier article sur ce blogue, Louane, c’est ma louve.] Ma grand-mère adorée s’avance à un millimètre de mon visage et s’arrange pour que ses yeux, éducatifs et affectifs, rencontrent les miens, aimants et assumés. J’accuse quand même le coup, cinq secondes durant, recule un tantinet, avale ma gorgée de café, trouve un ton à la hauteur du moment. « Pourquoi Louane n’est pas encore baptisée? » Le « encore », c’est ma faute. L’an dernier, j’ai laissé planer un espoir, avançant qu’on allait remédier à la « situation », qu’on avait seulement manqué de temps. Pour l’interro à question unique, faut comprendre que ma grand-maman assistait le matin même à un baptême qui avait été « très beau ». Faut comprendre également qu’elle est une croyante pratiquante qui a élevé sa famille dans la religion catholique pure et dure à une époque où le taux de fréquentation des Québécois à leur église était de 85 %. En 1980, il a dropé à 45 %, mais cette statistique ne s’est pas rendue au bout du monde. Par conséquent, j’ai été l’une de ses plus fidèles élèves. Ceci explique cela : j’ai habité sous le toit de la matriarche, son mari et ses dix enfants les quatre premières années de ma vie, au milieu des années 80’. Le rêve! En plus de ma mère et de mon père, une dizaine de tontons et de tantines participaient activement à mon élevage, tout cela couronné par deux figures d’autorité semi-divines : Gracia et Léonard. Je faisais partie de la trâlée, on m’a donc nommée actrice de la grand-messe. Déménager à un coin de plage du cap de roches ne m’a pas éloignée de ce titre. La messe… J’y allais tous les samedis soirs (ce qui me faisait hebdomadairement rater le début du match de hockey) et/ou les dimanches matins, je l’écoutais à la télé, j’y assistais lors de fêtes religieuses (l’Épiphanie, la Chandeleur, le Mardi gras, le mercredi des Cendres, la Mi-Carême, l’Annonciation, les Rameaux — ma favorite! —, le Jeudi saint, le Vendredi saint, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte, l’Assomption, la Toussaint, la fête des Morts, Noël) et je courrais les célébrations « d’obtention » de sacrements d’autres chrétiens. Mon agenda était bien rempli. Mon âge se comptait en année liturgique. Et ça ne me gênait pas. Ça allait de soi. C’était dans le temps où on acceptait d’emblée ce qui nous était proposé et où questionner sa foi était malvenu. Curieuse, un peu suspicieuse, mais avant tout curieuse, mes grands-parents ont su à eux deux ouvrir la brèche, attiser cette curiosité qui ne demandait qu’à s’affoler. Ils m’ont traînée à l’église avec un petit « é », intégrée dans leur pratique, appris à être une bienveillante paroissienne. Ils étaient, et le sont toujours, hyper engagés au sein de leur « brigade ». Ils sont respectés de tous, piliers de leur église, mentors, VIP. Je vous le dis, ils avaient des cocardes plaquées or de super bénévoles. Me tenir à leurs côtés, ça signifiait d’être une bonne personne, en tout cas d’être en voie de le devenir. À la grand-messe, ils m’ont initiée à tous les rôles; j’ai préféré celui de lectrice qui m’a permis d’exploiter mon petit côté show off et qui a nourri mon intérêt naissant pour la littérature. L’Assemblée aimait m’entendre lire. Faut dire que je me donnais en spectacle! Je ponctuais par l’émotion, je jazzais les paroles des apôtres. Ce n’est pas mêlant, j’interprétais à longueur d’année les fameux « Douze »! Certains pratiquants me confiaient que ça passait l’heure, que l’office était moins plate… Ce qui m’a mis la puce à l’oreille : c’est possible de s’ennuyer à la messe? Intéressant! Déclamer les évangiles m’a éclairée quant à mon degré de compréhension d’un texte et m’a aiguillée quant à l’articulation des sons, des idées. Aussi, je me plaisais à narrer d’A à Z les célébrations, valsant entre les parties de l’assistance et celles du prêtre. Hé oui, je parlais « par-dessus » le célébrant. Et j’y prenais un malin plaisir. Un vrai « Prions » sur deux pattes! Tout le monde savait qui j’étais : la petite-fille à Léonard et Gracia, et ça, c’était magique! Le hic, c’est l’église avec un grand « É ». Au travers mon éducation et mon instruction (dans le temps où c’était compatible), j’ai reçu comme plusieurs de mes amis cinq des sept sacrements : le baptême, l’eucharistie, la confirmation, le sacrement du pardon et le mariage. Le mariage est venu boucler la boucle. J’ai épousé l’homme de ma vie et tous les deux, nous avons repensé notre foi, lui donnant des contours personnalisés, l’alliant avec notre foi propre, puis conjugale. Outre nos heures de discussion élastiques, ce sont des événements religieux qui nous ont encouragés à baliser le sentier de nos convictions. Par exemple, nous avons assisté à des cérémonies de mariage traditionnelles qui mettaient en scène des amoureux d’élevage catholique, non pratiquants. L’intention avouée de ces derniers était de faire plaisir à leurs parents, mais plus encore à leurs grands-parents. On nous y servait des chants anciens, des textes lourds, et la plupart des invités murmuraient des répliques et des prières approximatives. J’ai trouvé ça triste. Je ne m’exclus pas totalement de l’exemple, ayant moi-même consenti au mariage alors que ma foi originelle vacillait. Seulement, nous avons eu le privilège de rencontrer un curé de feu, ouvert d’esprit, très jasant, qui nous a aidés à cibler des lectures appropriées, qui a accepté que les deux seuls chants qui envahiraient la Cathédrale du Christ-Roi proviennent du répertoire de Cohen et de Coldplay. Du reste, nous avons modelé nos vœux à partir des paroles de Christiane Singer. On a contrôlé le moment pour célébrer notre dernier sacrement à notre image. Tant qu’à y être! Pour ce qui est du sujet chaud — le baptême — faut dire que petit mari et moi sommes parrains et marraines; lui à deux reprises. Je me rappelle lorsque mon beau-frère et ma belle-sœur nous ont annoncé que nous étions les élus, j’ai braillé ma vie. J’étais tellement heureuse d’être « enfin » marraine. Mais pourquoi donc? Avec du recul, j’ai l’impression qu’on m’offrait un rôle important, préalable à celui de devenir maman, comme si je m’en approchais tout doucement. Ça m’a inspiré une posture quasi spirituelle : être marraine, c’est être une bonne personne. Comme quand j’étais petite, aux côtés de mes grands-parents. Pourtant, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Je vois mon filleul que très rarement, je ne communique pas souvent avec lui, je ne lui offre ni temps ni présence en quantité comme en qualité. Bien franchement, avoir une marraine comme moi n’est pas un « plus » dans la vie de cet enfant. Ce n’est pas toujours le titre qui fait le bon sous-titre. À ce chapitre, je devrais m’efforcer d’être une bonne tante, le reste viendra naturellement. Que ce soit clair, je ne me montre pas cynique. Et je ne juge personne. Au contraire. Ma démarche, c’est au su et au ressenti de mes croyances; je construis cet article au fil de mes pensées qui dévalent et qui nourrissent mon envie de faire des choix et de les assumer. J’ai le sentiment d’être au terme de mon aventure avec ma religion, qui m’a bien servie. Quand on a décidé de ne pas faire baptiser notre enfant, on acceptait d’être les premiers de nos familles à franchir le pas. Pourquoi? Je reviens à la question de ma chère grand-mère. « Pourquoi Louane n’est pas encore baptisée? » Parce que nous avons accueilli comme il se doit, à deux, l’arrivée de notre fille en ce bas monde. Ce n’est peut-être pas la grande famille de Dieu, mais c’est notre cocon. Notre premier trio. Une toute nouvelle Trinité. Parce qu’avec notre travail respectif, nos projets, nos diverses occupations, nous n’allions pas prioriser un week-end pour préparer ce sacrement et encore moins, plus tard, des soirées de catéchèse. Je préfère que ma louve joue au volley, au soccer, qu’elle dévore des livres, qu’elle court dans les rues du quartier. Je sais que l’un n’empêche pas l’autre, mais pour nous, l’idée même est castrante. Parce qu’en m’introspectant, je n’arrive pas à affirmer hors de tout doute raisonnable que je crois en Dieu pis toute la patente. Je n’atteste pas le contraire non plus, mais ce doute m’occupe. M’appartient. J’aime me dire que si je sacre comme un charretier, c’est que j’y crois peut-être. Faut croire en quelqu’un ou quelque chose quand on ose l’injurier, non? Je sais aussi que je porte ma croix, et j’espère que ma fille aura les épaules moins endolories, plus athlétiques. Qu’elle se soutiendra elle-même. Pour l’histoire, si elle désire savoir, je l’accompagnerai. J’ai été à la meilleure école. Et elle aura l’heure juste; je sais être objective en matière de transfert. J’ai vieilli, je me suis perfectionnée, et ma pratique aussi. J’aime la vie, je crois en elle. En moi. En les autres. En une force pas du tout supérieure. Intrinsèque peut-être. Ma foi s’est remanié après le départ d’êtres chers. Chaque fois qu’une personne que j’aime disparaît, je fais un méga travail de conservation, qui s’apparente au deuil, je capture leur âme, je les embaume pour m’apaiser, je les garde dans mon antre. Je leur offre mon paradis. Notre échange a duré une quinzaine de minutes. Et comme dans tout échange, la fin ouvre sur une vérité : -Tu n’es pas obligée de lui offrir tous les sacrements, mais au moins le baptême. Ça va y donner une chance… -Une chance? -Ben… on ne sait pas ce qui peut arriver dans vie… -OK, tu veux dire dans le cas où elle meure… -Oui… Alors c’est de ça qu’il s’agit. Une fois devenue chrétienne, elle pourra non seulement vivre selon l’Esprit de Dieu, mais mourir du même sceau. Elle aura droit au paradis à la fin de ses jours, même si la fin est précoce. Une mort d’enfant, c’est l’abysse. Grand-maman veut que ma louve soit bénie d’entre les vivants. Que je la confie à son Église. Que je l’immerge au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Que je lui promette un rite de passage pour qu’elle ne soit pas seule de l’autre bord. Je ne peux pas être contre ça. Je ne le suis pas, je le jure. Mais… J’en suis incapable. Je prône le libre arbitre. Ma foi m’emmène dans un lieu où je perçois qu’après ma mort, je visiterai le paradis de quelqu’un d’autre. En pensée furtive. Je ne crois pas que nous nous reverrons tels que nous nous sommes connus. Et je vis bien, convaincue de cela. Baptisée ou pas, Louane méritera le sort auquel elle croit. Parce que nous lui aurons insufflé dans chaque narine l’amour nécessaire, l’esprit de la Vie. Cette foi, la mienne, n’est pas loin de celle de ma grand-mère. Elles se complètent. Grand-maman, pardon pour l’offense, la déception, la peine. Ah oui, et pardon de t’avoir fait manquer ta veillée pascale, alors qu’on s’enfilait des shooters de Fireball, le 31 mars dernier. Avoue qu’on a eu du fun! Je t’entends me dire : « ah mon apôtre! » Tu ne m’as pas créée, mais tu m’as faite grand-maman. Tu m’as faite. Je t’aime! Auteure invitée : Marie-Ève Trudel Vibert Je suis ta maman depuis presque 20 mois. Le genre de mère omniprésente, ce qui fait du reste de mon être :
Ah oui, j’oublie… Psst, ma louve! Ta maman, c’est une auteure. Qui n’écrit presque plus. Une entrepreneure qui n’amorce plus grand-chose. Bref, c’est une salariée. Tout un statement! Ta maman, c’est une salariée. Ce rôle, si honorable pour le commun des mortels et si mortel à mon corps défendant, est devenu prioritaire après celui d’être ta mère. Pour gagner une partie de notre vie. Éviter les risques. Ceux entamés avant ta naissance. Une mère, ça s’insécurise vite… Au bout du congé de maternité, ça revient sur le payroll. Depuis 20 mois, j’ai des airs d’un post-partum qui sévit, sans relâche. Comme Marine, le personnage principal de mon premier roman. Marine, c’est une femme en crise. Une mère accro. Parenté dans ma fiction. Acte de création à la fois inconscient et terriblement annonciateur. C’est ici qu’entre en scène le concept de conciliation. La conciliation, ma louve, c’est la quête du sacro-saint équilibre. Une notion très très tendance. J’ai essayé de l’intégrer, l’auto/boulot/dodo/temps sociaux, puisque je suis une femme moderne, mais j’ai échoué. En fait, je suis en train de le faire. J’échoue. Live. Là. Et si c’était dans le déséquilibre, dans le point de friction, dans le chavirement de la barque que mon aplomb, que mon audace à moi se cache? Si c’était dans l’absence de sacrifices? Tu n’as pas vu le film, ma louve, mais ta mère, c’est une divergente. Entends-moi bien, je vais te dire ce que je ne sacrifierai pas au nom de la conciliation. Je vais te conter comment je l’envoie valser aux quatre coins de ma faction. Je ne sacrifierai jamais la routine du petit matin qui évoluera au fur et à ta mesure. Peu importe ton heure de lever, on vivra ensemble les premières étapes du jour, du changement de couches au gobelet de lait que tu commandes encore à peine les yeux entrouverts. Tu câlineras ta doudou comme tu le fais magnifiquement, comme pour te réveiller tranquillement, apprivoiser la lueur qui naît juste pour nous deux. On grignotera un croissant dont les miettes fuiront entre les craques du divan. On en rira. Bien collées. J’arracherai délicatement les crottes d’yeux secs qui s’accrochent à ta peau sans laisser de traces rouges. Je brosserai de cent coups tes cheveux bouclés et j’essaierai de te les nouer, si tu me le permets. Papa viendra nous embrasser, et juste après, il se fera couler un grand café, puis servira un espresso très très serré à maman. On t’habillera devant Pat’Patrouille parce que c’est comme ça qu’on réussit désormais, hein, ma louve? Tu t’en iras à la garderie avec papa; je vous guetterai partir de la fenêtre de la cuisine, jusqu’à ce que la voiture ait quitté la cour. Ensuite seulement, je m’habillerai à la hâte et me coifferai également avec cet empressement qui me donnera un look négligé; ma nouvelle image. J’aurai pour seul déjeuner le souvenir d’un bout de croissant éparpillé sur le divan, le meilleur qui soit. Je partirai au travail avec 15-20 minutes de retard, mais ma patronne résonnera en mère, alors ça fera l’affaire. Je reviendrai à la maison au possible sur l’heure du lunch, pour vider le lave-vaisselle et le remplir à nouveau, me concocter un sandwich sur le pouce; remettre en état de marche un étage qui cohabite avec une tornade, tout ça en compagnie des personnages de District 31 en background question de rattraper l’intrigue (qui a tué Nadine Legrand?). L’idée derrière sera que notre maison t’accueille proprement, par son sourire de fin de journée. À 16 h, j’irai te chercher, ma louve. Je serai pressée d’y être, mais toi tu me feras poireauter un peu. Enthousiaste devant mon arrivée, tu ne seras toutefois pas insistante de quitter les « mamis ». Ce qui nous fera arriver à la maison entre 16 h 30 et 17 h. Faut dire qu’à Gaspé, on est exempt de trafic, ce qui facilite les choses. Dépendamment de la durée de ta sieste d’après-midi, de ton humeur, de tes envies, on restera dehors à profiter des derniers rayons ou bien on ira dans ta chambre se coller à nouveau. Comme pour se retrouver. Bientôt arrivera l’heure du souper, qui coïncidera avec le retour de papa. On s’y mettra à deux, car le repas du soir, avec toi, c’est un véritable champ de bataille. On étirera la sauce en écoutant de la musique, que tu aimes par-dessus tout. Peu après, ce sera le moment tant attendu du bain où ta principale occupation sera de m’asperger alors que je serai tout habillée. Une fois lavée, tu enfileras ton pyjama et feras un brin de lecture. Du Petit Prince pour les bébés à Lili Macaroni en passant par Charlot Tempo. Puis tu te glisseras sous la couette colorée dans ton lit de grande que tu quitteras rapidement pour t’installer au sol, à raz la porte ou au pied de ta commode (pourquoi fais-tu ça?). Je te veillerai une bonne heure, guettant le moindre de tes mouvements sur la caméra. Je me sentirai détendue, déchargée, mais je m’ennuierai de toi. Très tôt en soirée, je trouverai le sommeil. Pleine de ma journée, ma louve. Fatiguée, mais pleine. La routine du soir et celle du matin sont précieuses, car bien qu’intenses, ce sont les seuls fragments de ton quotidien auxquels nous avons accès. Le vif, le croquant, la lave de ton volcan nous échappe; elle appartient à tes éducatrices. On en connaît des bribes par la communication du journal de bord de fin de journée, des photos, des vidéos. Et ça m’angoisse à l’os. Tu sais quoi, ma louve, après une semaine de course folle exigée par la conciliation travail/famille/pistoutepistoute, j’ai préféré jusqu’ici m’occuper de notre intimité, de notre proximité, de notre cocon familial. Je t’ai surprotégée. La vie va vite. La preuve, tu deviens une enfant et je devrai bientôt arrêter de t’appeler « ma louve ». Pour l’expérimenter chaque jour depuis 34 ans, la vie est grande et prometteuse. Dans quelque temps, tu deviendras cet autre, au fait tu l’es déjà. Tu t’appartiendras à part entière, en toute autonomie, confiance, assurance. Tu attiseras ta propre curiosité qui te mènera ailleurs. Et peut-être que tu ne voudras plus revenir. Je te le souhaite presque. De t’en aller. Si loin. De vivre à fond. Mais bébé, pour l’instant et quelques instants encore, je te veux ici, je nous veux ensemble. Et je ne sacrifierai pas ça. Je ne te sacrifierai pas toi au nom de l’équilibre plate et rushant. Je ne compromettrai pas notre relation au nom d’un job, d’une tradition révolue, au nom d’une société malade. T’as bien entendu, ma louve. Je ne sacrifierai rien à tes dépens. Rien. Même pas moi. Plusieurs reproches me sont adressés. On me dit que je ne sors pas assez. Qu’on ne me voit que très rarement « en ville ». Que je ne t’ai pas encore inscrite à un cours de piscine… C’est que… J’ai bien tenté de concilier l’inconciliable, juré craché ma louve, mais je me suis plantée. Rageant contre mes propres démons, je n’ai pas vu qu’à la maison, ton père faisait tout ce qu’il pouvait pour m’alléger. Au travail, même branle-bas de combat, on a réorganisé mon poste autour de mes attentes, mes intérêts, on a retiré l’élastique de mon horaire pour rendre flexibles mes arrivées et mes départs. Le hic, ma louve, c’est moi. J’ai un problème d’adaptation, parole de médecin. C’est pour ça que mes rôles sont si insatisfaits. Ne sachant pas comment être ta mère, je me suis sacrifiée pour mieux te servir. Et je n’en peux plus, ma louve. J’ai besoin de retrouver le chemin vers ma liberté. Être mère, en Gaspésie ou à Tombouctou, c’est être mère. Devenir parent, c’est d’abord s’enfarger dans ses propres frontières, puis franchir toutes les autres, une à une. C’est se brancher pour s’informer, partager, comparer, critiquer, comprendre. D’où la genèse de ce blogue. D’où l’importance de se lire. De se répondre. De se nourrir. De se pardonner. Je te l’annonce, ma louve, à partir de désormais, je « déconcilie ». Pour notre bien à toutes les deux. Pas question que je te lance dans 20 ans cette phrase si accablante : « après tout ce que j’ai fait pour toi… » Je ne veux pas être amère. Coupable. Pliée en deux comme le bossu de t’avoir tout et mal donné. Je veux être ta mère sans avoir à t’aimer et te haïr en alternance. Je vais t’apprendre une expression que j’ai toujours trouvée pertinente, sans l’appliquer pour la peine : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». Je te fais cette promesse : je t’apprendrai tout ce que je sais, ma louve. En parallèle, je me choisirai, OK. À court terme, ça ne t’impressionnera pas. Mon amour demeurera aussi soutenu. Inconditionnel. Mais pas malsain. Peut-être que tu capteras la petite lumière qui cherchera à renaître au fond de mes yeux. Celle avec laquelle je me serai réconciliée. Peut-être que tu seras fière de moi. Tu vois. Je suis en train de te montrer à nager. Cours privé. Je t’aime, ma louve. Faut juste que je m’aime un peu, maintenant. |
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Novembre 2020
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