26/2/2019
Comme Marie-MaiAuteure: Marie-Ève Trudel-Vibert ![]() Je te rassure, je suis toujours amoureuse de mon petit mari, je ne pars pas en tournée jusqu'en 2020 et je n'ai toujours pas d'abdos. Mais… Comme Marie-Mai, j'ai eu mon permis de conduire sur le tard. Genre très tard. À 32 ans… presque 33. Comme Marie-Mai, j'avais une motivation intrinsèque. Qui me chatouille l'estomac. Qui se plante dans mes entrailles. Qui me chante du tréfonds de son être en création : emmène-moi… chez papi… au parc… à l'épicerie… à la garderie... La petite voix d’un nouveau cœur qui bat qui souhaitera plus tôt que tard se faire trimballer pour découvrir le monde. Le sien. Avec moi. Sa maman. Comme Marie-Mai, j'étais enceinte d'une petite fille. Elle attendait sa Gisèle qui deviendrait sa Gigi, et moi je couvais ma Louane qui incarnerait une louve dans sa ligne de vie. Mais ça, je ne le savais pas encore. Ce lundi matin là du 11 juillet 2016, j'avais pris rendez-vous au bureau de la SAAQ à 10 heures sonnantes. Dans le taxi qui me transportait en direction du Carrefour Gaspé, j'aurais aimé avoir une baguette magique pour choper une voyelle au sigle et me retrouver à la SAQ (ouais, même ronde comme la Terre, il m'arrivait d'oublier que j'avais une brioche au four!). C'était le beau milieu de la matinée et il devait bien faire 30 degrés à l'ombre. J'en étais à ma 37e semaine de grossesse. Aucun textile léger n'épousait adéquatement mes nouvelles formes, j'ai donc opté pour une jolie robe en lin bleue (chaude, froissable, mais à ma taille!) pour rouler vers mon objectif à très, très court terme : l’obtention de mon permis de conduire. Te dire mon allure de baleine grimée. Te dire mon hypersensibilité... Au bureau de la Société de l'assurance automobile, un gentilhomme m’a accueillie avec sincérité. D'un clignement de paupières qui a laissé entrevoir deux yeux me détaillant de gauche à droite (une femme enceinte, tu scannes ça à l'horizontale), il était au fait de ma « situation ». Il a opiné de la tête comme pour me valider et m'a emboité le pas vers l'extérieur que j'avais fui au profit de la climatisation du centre d’achat. En marchant — perso, je nageais —, le gentilhomme m'a soufflé son prénom, qui s'est transformé en vapeur, tout comme le mien. Qu'importe! Du moment que je me rappelais le Code de la route... *** Comme la plupart des ados, j’ai obtenu mon permis temporaire à l’âge de dix-sept ans. Un simple papier parmi tant d’autres qui agrémentait l’un des compartiments de mon porte-monnaie de style bohémien pour matcher avec mon grounder à pot. Si le compte est bon, j’ai conduit seulement trois fois. La première, c’était avec ma mère. J’étais si fière du trajet choisi : de Coin-du-Banc à Percé! On traversait Cannes-de-Roches quand j’ai salué avec imprudence un piéton de la main droite (allo Bertrand!). Disons que l’auto a suivi la trajectoire de ma main... et que j'ai failli faucher un être humain! Oups! T'inquiètes, c'est un p'tit vite, il s'est tassé à temps. Pas de mort sur la conscience. La deuxième fois, c’était avec mon copain de l'époque qui conduisait manuelle. Il m'a cédé le volant sur un quart de mille, mais la coordination mains-pieds semblait trop complexe pour mon TDA en croissance et mes neurones en déchéance. La troisième et dernière fois, pourtant, s’est super bien déroulée. J'étais accompagnée de ma tante Guylaine qui était si détendue que je me suis calquée dessus. Y a pas de punch! Fin de mon court chapitre de conductrice jamais aguerrie. Bref, j’avais en poche ledit papier qui m’archivait dans le vieux système, me plaçant sous l’ancienne loi. Ce qui signifie qu'on m'épargnait en 2016 de suivre les cours obligatoires théoriques et pratiques de presque quarante heures et de payer la facture salée qui va avec. J'ai renouvelé mon permis temporaire, je me suis offert deux heures de cours chez Perry… puis basta! Marie-Mai, quant à elle, s'est retrouvée dans une école de conduite avec d'autres élèves de dix-sept ans... Je suis certaine qu'elle en conserve de très bons souvenirs; de mon côté, puisque j’étais à la veille d’expulser, le contexte me seyait à ravir. Il était minuit moins une... Pourquoi avoir attendu une quinzaine d’années pour régulariser ce statut? Parce que je réussissais tant bien que mal à me passer du fameux permis, et ce, sans trop abuser des gens autour. Lors de mes études, j'ai habité à proximité des établissements d’enseignement, des épiceries, des grandes surfaces, du cinéma… Pour le reste, en bonne marcheuse, je m’arrangeais. Jusqu’à ce que je revienne m’installer en Gaspésie (ici, t’as beau marcher, mais faut pas que tu sois pressé). C’est devenu… comment dire... contraignant… quoique pas encore assez… À l'époque, mon horaire de bureau était fixe et mon petit mari au chômage; il s’occupait de me lifter puis des repas, mais ça, c'est une autre histoire. C’est clair que j’aurais gagné à être mobile, car dans le cadre de mon travail, j’avais à desservir la population jeunesse de la MRC de La Côte-de-Gaspé (4 088,59 km²!!!). Encore là, je me dépannais avec mes super collègues, sans trop exagérer. Un jour, une personne (allo Michel) m’a confrontée sur le sujet : quand je pense à toi, je vois une femme libre. Comment expliques-tu que tu t'empêches d’avoir accès à une totale liberté? Je repense souvent à cette question. Être libre, c’est porter des valeurs, les camper, s’y charrier au travers. En tant qu'intervenante psychosociale, je pratiquais en étant mon propre outil, autant dire mon propre véhicule! La liberté, ce n'est pas une question de kilométrage au compteur. Ça aura pris quelques gouttes de pipi et deux lignes rouges pour m'acculer au pied du mur. Devenir maman, c'est personnifier la responsabilité sous toutes ses coutures. C’est accompagner son enfant au CPE et à l’hôpital. Ne serait-ce que pour ça, précisément, je devais passer le permis. Là tu te dis, OK right, mais pourquoi a-t-elle attendu d'être quasi en train d'accoucher pour se soumettre à l'examen? Ahhh!!! Sans doute parce que les 16 premières semaines de ma grossesse ont été dédiées à vomir, tapie dans le confort de ma chambre à coucher à visionner les 6 saisons de Downton Abbey. Le jour de ma résurrection et ceux qui ont suivi, j’ai mené à terme deux projets d'édition. Y a aussi que je voulais attendre l'été. Fait que c'est ça qui est arrivé... J'ai attendu l'été. *** Arrivés à hauteur de mon auto (la veille, petit mari l'avait stationnée à une journée de marche du mail), j'ai repris mon souffle avant de faire les présentations d'usage. Gentilhomme, KIA RIO 2007. KIA RIO 2007, Gentilhomme. Cette voiture, c'est la première acquisition de mon petit mari qui avait soudainement très hâte de s'en débarrasser. En bonne héritière, je l’ai acceptée sans rechigner. De toute façon, j'ai beaucoup d'affection pour ce bolide qui a marqué le début de notre histoire de couple. Mais... ce matin-là, il m'est apparu pas mal basique. Le gentilhomme a procédé à l'inspection du véhicule. Par malchance, il s'est avéré que le feu arrière droit était brûlé et son phare pété. Crisse! Normalement, l'auto qui sert à l'examen routier doit être top notch, ce qui n'était vraisemblablement pas le cas. Mes yeux se perdaient dans la sueur derrière mes verres fumés; j'attendais le verdict en sacrant le Bon Dieu. C'est rare que je le prie.
Hein? J'ai bien entendu? C'est possible? M’a-t-il prise en pitié? WTF? Malgré les malgré, on s'est installés dans l'étouffant habitacle. La respiration sifflante, j'ai retiré mes gougounes à string pour enfiler mes vieux running déformés par mes pieds de Hobbits. J'avais tellement honte. Soutenant le regard du gentilhomme qui avait clairement attrapé quelques gouttelettes de mon sentiment au vol, je me suis excusée pour l'absence d'air clim. Il a dit que ce n'était pas grave en ouvrant la vitre à bras. On crevait de chaud. Je commençais à avoir faim. On était partis... Comme je l'écris plus haut, je suis d'avis que l'on est son propre outil. Dans les périodes plus stressantes, même si c'est l'ébullition sous le couvercle, j'arrive à ressentir puis à projeter un certain état de bien-être. Mon truc? Parler, écouter, parler, écouter, lancer des balles, les rattraper, les relancer... Établir une relation avec le copilote, dans ce cas-ci le gentilhomme, en le questionnant sur son métier, lui soutirant des anecdotes croustillantes au passage, ça a eu pour effet de focaliser toute mon attention sur la mission à accomplir. La route que je connais par cœur m’était étrangère en tant que conductrice. Mais l'humain, ah… l'humain, ça je connais! Ma conduite un peu saccadée au départ est devenue plus fluide tout comme la conversation qui coulait naturellement. Bon... ayant le pied pesant (assurément à cause de l'enflure!), j'ai roulé à 70 km/h dans le Berceau du Canada et j'ai raté la sortie indiquée par mon supérieur immédiat, mais drôlement je ne me sentais pas tant dans la « chnoute » que ça. De retour au Carrefour Gaspé, le gentilhomme m'a ordonné d'aller « virailler » dans l'espace de stationnement réservé au IGA. Ahhh le coquin! Il s'apprêtait à me demander d'effectuer un stationnement de reculons. On y était! Le moment de l'humiliation ultime se pointait. Je n'avais (avant ce jour) jamais réussi cette manœuvre; la veille, lors de ma dernière tentative, j'avais failli emboutir une rangée de paniers d'épicerie. Le stress chassé quarante minutes plus tôt par ma technique de volubilité extrême est revenu au galop. Louane était étrangement calme dans son propre habitacle; je me sentais foutument seule, avec la pression de performer et la douleur qui bouffait mes côtes à chaque angle mort. Ma stratégie, en cette grande finale, allait se déployer entre la performeuse et moi. Entre elle et moi. Comme pour Marie-Mai. OK Marie-Ève, on récapitule : ton char a échoué le test d'inspection, tu as roulé 20 au-dessus dans une zone de 50 et tu t'es trompée de sortie. Qu'est-ce qui peut arriver de pire? Scraper un devant de char? OK, supposons que ça arrive. C'est juste de la tôle. Tu n'auras pas ton permis, mais tu l'as déjà pas, fait que! T'es correcte avec ça? OK, on y va! En m'attardant sur le fait que j'ai plus à gagner qu'à perdre, j'ai chauffé ma KIA avec mon pied d'athlète de femme enceinte. Posément, je suis allée chercher mon angle. Je m'apprêtais à reculer quand une madame pas mal pressée de faire son épicerie avant l'heure du lunch m'a collée de trop près comme pour me piquer MON espace de stationnement. Avec un aplomb subit, j'ai baissé ma vitre et je lui ai demandé de bien vouloir me céder ce parking, car j'étais à la fin de mon examen de la route. Convaincue ou apeurée, c'est flou, la madame s'est mise en marche arrière, et moi, j'ai repris mon bavardage interne. OK, Marie-Ève, tu as 50 % des chances de réussir le permis. Le verre est à moitié plein (quoique tu t'imagines le caler en deux secondes et quart!). Envoye! Recule! Ce que j'ai fait comme une championne!!! N'étant pas hyper satisfaite de mes lignes, j’ai pris soin de repositionner la KIA correctement. Chose faite, j'ai fermé le contact puis retiré la clé du démarreur. Ah oui et j'ai poussé un : Waouh!!! Le gentilhomme a ri de bon cœur et m'a indiqué de le suivre à l'intérieur. De retour dans la salle d'attente de la SAAQ, j'ai pris place parmi d'autres gamins, ceux-ci accompagnés de leurs parents, et j'ai vibré à leur excitation. À leur fierté d'être là. Si jeunes. À considérer ce point de vue de la liberté... Perdue dans ces pensées-là, j'ai aperçu le gentilhomme marcher vers moi, tout sourire. Il m'a annoncé que je passais l’examen avec un résultat très raisonnable de 75 %, qu'on pouvait procéder au paiement et à la prise de photo. Sous le choc, j'ai retiré la monture de mes verres qui me collait au visage. Respectueusement, j'avais l'air d'une squaw! J'ai appelé petit mari. Il était surpris. La belle affaire! Pour me féliciter, je suis allée flamber une couple de piasses dans un des magasins du mail. Question d'accessoiriser mon été. Une fois comblée, j'ai composé le numéro d'un taxi parce qu'il était temps de rentrer à la maison... C'est là que j'ai vraiment saisi l'ampleur de ce qui venait de se passer. Allume, chère belle, tu as un permis... faut ramener ta super KIA RIO 2007 au bungalow! Shit! Voilà que je venais de ratisser la ville au grand complet, mais que j'avais la chienne de me raccompagner. Tu le sais que j'ai toujours une toune pour chaque moment, mais je te jure que cette fois je ne me souviens pas du CD qui jouait dans le lecteur. C'est à peine si je me rappelle avoir quitté le stationnement du Carrefour. Est-ce que j'ai coupé un char en embarquant sur le boulevard? Est-ce qu'il y avait bien du monde au casse-croûte chez Jo-Ann? Aucune idée. Je me suis rendue à bon porche. Point. J'ai enlevé mon sarcophage qui me servait de robe et je me suis versé un mixte de Perrier et de jus d'orange dans une coupe de champagne pour me donner l'impression de boire des bulles. Pis j'ai attendu que la journée passe comme sur un buzz. Je venais de m'offrir la ride la plus importante de ma vie. Ce jour-là, j'ai obtenu mon permis de conduire et j'ai officiellement hérité de la KIA RIO 2007. Pas comme Marie-Mai. Elle conduisait une Mercedes-Benz. Toute est dans toute. Bye là! *BTW, j’adore Marie-Mai! |
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Juillet 2021
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