Auteure: Joanie Robichaud Ma fille aura un an prochainement. L’approche de cette date me rend nostalgique, d’autant plus que le contexte actuel me pousse à la réflexion. J’ai donc eu envie de vous partager mon récit d’accouchement, un an plus tard… *** J’ai accouché de mon premier enfant à 38 semaines et des poussières. Ma vessie étant devenue hyperactive, j’ai crevé mes eaux en pleine nuit, en route vers la salle de bain. Je ne m’y attendais absolument pas. Toutes les femmes de mon entourage avaient accouché après leur date prévue d’accouchement. J’étais donc convaincue que bébé resterait encore au chaud quelques jours, voire quelques semaines. Deux ans et demi plus tard, alors que j’entrais dans le troisième trimestre de ma deuxième grossesse, l’un des résidents qui suivait ma grossesse a fait l’erreur de me dire que le deuxième enfant arrive habituellement un peu avant ou vers le même nombre de semaines de grossesse que le premier. Dans ma tête, ce n’était donc pas vraiment envisageable d’avoir une grossesse qui s’étire. Cette deuxième grossesse m’a vraiment rappelé que je ne décidais absolument rien, puisque plus les semaines passaient, moins le travail semblait vouloir débuter. ![]() Je suis partie en congé de maternité vers 35 semaines, comme la première fois. À 36 semaines, j’ai terminé de préparer ma valise. Sait-on jamais. À partir de 37 semaines, j’étais prête. Mais pas bébé. À 38 semaines de grossesse, je choisissais mes armoires de cuisine parce que nous venions de vendre notre maison pour revenir nous construire en Gaspésie. Toujours aucun travail de fait. « Ce n’est pas grave, ça peut arriver d’un moment à l’autre », me disais-je en pensant à mon premier accouchement. À 39 semaines de grossesse, on commence à me parler de déclenchement. La panique s’empare un peu de moi. Être déclenchée, c’est mon pire scénario. Je ne suis pas prête à vivre ça. D’autant plus que la menace d’un déclenchement plane depuis ma 32e semaine de grossesse, en raison d’un possible retard de croissance intra-utérin. Dans le bureau du médecin, on planifie un déclenchement à 41 semaines de grossesse. Pas de chance, c’est complet cette journée-là et ça tombe un vendredi. On reporte le déclenchement à 41.3 semaines. J’ai le temps d’accoucher d’ici là, me dis-je. À 40 semaines, je tourne en rond. Je n’ai même pas l’ombre d’une contraction. Je suis découragée. Ma mère, qui était en visite depuis 2 semaines, retourne à sa maison. J’ai besoin d’être seule, dans mes pensées. J’essaie tous les trucs inimaginables pour éviter un déclenchement. Quand je dis tous les trucs, c’est vraiment tous les trucs. De frotter mon plancher à quatre pattes, en passant par boire de la tisane de framboisier (et ceux qui me connaissent savent à quel point je déteste la tisane). Rien à faire, bébé ne veut rien savoir. La journée de mes 41 semaines, je vais voir mon acupuncteur et ma chiropraticienne avant de passer une énième échographie pour voir si bébé est toujours en forme pour le déclenchement qui approche. Je me fais lentement à l’idée que je devrai être déclenchée. J’ai de petites contractions modérées, mais très espacées. Je les accueille avec joie. Une de moins à vivre à l’accouchement, que je pense. Je dois me présenter à l’hôpital le dimanche matin pour me faire installer un ballonnet. Je lis sur le sujet et je grince des dents. J’ai un peu peur, je l’avoue. Mais je dois me faire à l’idée. Bébé ne peut pas rester indéfiniment au chaud. Samedi soir, je décide de me coucher tôt en prévision du lendemain. Juste avant de m’endormir, je parle à mon bébé. « Maman est prête, mon bébé, Maman t’attend. Tu peux venir nous trouver. Papa et ton frère ont hâte de te rencontrer. Je sais que c’est effrayant, mais ça va bien aller. Je serai là avec toi. » Et je m’endors. ![]() L’arrivée Quelques heures plus tard, mon conjoint vient me rejoindre dans le lit. Comme il se couche, une contraction me frappe de plein fouet. J’en ai des sueurs. J’essaie de respirer. Je me calme lentement. Je sommeille. Une deuxième contraction arrive. Je suis incapable de rester couchée. Je me lève pour ne pas réveiller mon conjoint. Même si les contractions avaient déjà commencé depuis quelques jours, elles étaient tellement espacées qu’elles ne semblaient mener à rien. Et elles n’étaient pas aussi intenses. Au rez-de-chaussée, je fais les cent pas en compagnie de mon chat. Je m’allonge sur le divan et je fais plusieurs respirations de la vague. J’essaie de rester le plus calme possible. Tout le travail qui se fait est du travail de moins durant le déclenchement, me dis-je. Si je peux au moins éviter le ballonnet, espérais-je. J’ai chaud. Je me lève. Je suis incapable de rester dans une position. Je me balance lentement en me tenant sur une chaise, les pieds sur la céramique pour me rafraichir. Je décide de minuter mes contractions avec une application sur mon cellulaire, parce que je veux garder les yeux fermés. Il est minuit et je continue de respirer lentement. Je concentre mon esprit sur des vagues, synonyme d’apaisement. Les contractions s’intensifient. Est-ce que je suis en train d’accoucher ? Je regarde mon cellulaire. Les contractions sont aux deux minutes depuis 1 heure ! Je monte réveiller mon conjoint. On réveille grand-mère, qui était à la maison avec nous en prévision du déclenchement, et on part. Par chance, on habite tout près de l’hôpital. On y arrive en quelques minutes. Le stationnement est désert. Ça me prend une éternité me rendre au 4e étage. Mon conjoint est patient, il me tient la main et me guide pour éviter que j’ouvre les yeux. Je ne supporte pas la lumière. En arrivant au poste infirmier, on reconnaît la même infirmière de nuit qu’à notre premier accouchement. Elle nous reconnaît aussi. On est tellement content d’habiter en région. On se sent en confiance. Je passe dans la salle d’examen. J’ai de la difficulté à m’installer tellement mes contractions sont intenses. On vérifie mon col : je suis dilatée à 6 et bébé est bas. Je suis en train d’accoucher !
Je suis sous le choc. Mes eaux ne sont pas crevées, mais je n’ai pas le temps de m’installer dans ma chambre. Je dois me rendre en salle de travail. Une jaquette d’hôpital plus tard – et un texto à ma meilleure amie – j’arrive en salle de travail. La même qu’à mon premier accouchement. Mon conjoint est fantastique. Il prend le contrôle des lieux. Il fait fermer les lumières non essentielles aux infirmières. Il s’assure que je puisse toucher par terre lorsque je suis assise sur le lit. Il m’apporte de l’eau et me tient la main, me faisant des points de pression lorsque je lui demande. Je n’ai pas besoin de parler, il sait, tout simplement. Nous sommes fusionnels. Après plusieurs contractions douloureuses, le travail stagne. On me demande si je veux qu’on crève mes eaux. Je préfère attendre. Je veux apprivoiser la douleur encore un peu. Les contractions sont si différentes qu’à mon premier accouchement. J’ai besoin de prendre le temps de comprendre comment mon corps réagit. Mon conjoint ne lâche jamais ma main. On crève finalement mes eaux. J’ai l’impression que mon corps va fendre en deux tellement j’ai mal. Je sens bébé qui donne des coups de pied. Il est prêt à sortir. Il a besoin de sortir. Je cherche mon air. Mes sons graves deviennent trop aigus. Mon conjoint comprend et il me dit simplement « rappelle-toi où tu es ». À ces mots, je retourne dans un coin de mon esprit où je suis bien, où je suis en paix. Un coin caché, où je suis capable de supporter toute la douleur qui s’abat sur moi. Mon corps, je le sais, est capable de tout supporter. Après tout, il a déjà accouché. Il sait comment faire. Il est fait pour accoucher. C’est mon esprit qui doute. C’est lui que j’ai dû entrainer à accepter la douleur. À accepter chacune des contractions comme une façon de me rapprocher de mon bébé. Même si j’ai l’impression d’être dans une tempête, je dois me laisser porter par les vagues. Je retrouverai assurément le rivage. Ce n’est qu’une question de temps. Alors, je m’imagine dans mon repère secret. Je sens le sable sous mes pieds et le soleil sur ma peau. J’entends le son des vagues et des oiseaux. Je regarde l’horizon où le ciel et la mer ne font qu’un. Les trois sœurs se dressent majestueusement au loin, alors que je décide de marcher sur la plage. Vient mon bébé, maman t’attend. La douleur atteint son paroxysme. L’anesthésiste est en route, me dit-on. Je sanglote, mais aucune larme ne coule. Je sens mes entrailles qui veulent s’ouvrir. Je suis incapable de bouger, mais je dois bouger. Mon corps prend le dessus sur mon esprit et se prépare à accueillir ce bébé. L’anesthésiste arrive enfin. « Regardez où est rendu le travail, je crois qu’elle est complète », suggère notre infirmière, discrète depuis le début. Comme de fait, c’est l’heure de pousser. L’anesthésiste rebrousse chemin. Mon corps a gagné la bataille avec mon esprit. Il ne reste qu’à pousser. Je vois le rivage. J’y suis presque arrivée. Il ne reste que quelques petits efforts. Une fois. Deux fois. Trois fois. Bébé est là. « C’est une fille », me dit son papa, ému. Petite, mais en parfaite santé. « Maman est fière de toi, ma chérie, tu as fait ça comme une championne », lui chuchotais-je alors qu’elle s’accroche déjà fermement à mon sein. C’est terminé. Ou plutôt, ça ne fait que commencer. Le reste n’existe plus. Nous ne sommes que tous les trois. Unis et heureux. Quand je repense à mon accouchement, j’ai une seule image en tête. Comme si j’étais un oiseau, je nous vois, mon conjoint et moi. Je suis assise sur le bout de la table d’accouchement, les orteils qui touchent à peine le sol. J’ai la tête penchée vers la droite, sur l’épaule de mon conjoint, et je somnole entre les contractions. Il tient ma main fort, prêt à la serrer au besoin. Jamais dans ma vie n’ai-je plus aimé mon amoureux qu’à ce moment où il a été entièrement présent pour moi. Je n’ai pas eu à prononcer un seul mot, parce qu’il savait exactement ce dont j’avais besoin. Mes accouchements, ce sont nos accouchements. Nous les avons vécus ensemble les deux fois. Plus tard, dans la journée, alors que les infirmières faisaient leur tournée, elles ont tenu à féliciter mon conjoint. Pour sa présence, sa douceur et son efficacité dans la salle d’accouchement. « Vous avez vraiment l’air d’un couple sain », nous a-t-on dit. Rarement ai-je été autant touché d’un compliment. |
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Novembre 2020
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