11/12/2019
Une promesse pour NoëlAuteure: Joanie Robichaud L’arrivée du temps des Fêtes me rend nostalgique de mes Noëls d’enfance. Ces Noëls magiques et naïfs, où j’accompagnais mes grands-parents maternels à l’église du village et que j’essayais de retenir par cœur les paroles prononcées. Je ne comprenais pas le sens qu’elles avaient, mais comme j’avais une bonne mémoire, j’étais capable de les réciter par cœur. Dans la petite église où s’entassaient les bons paroissiens, je me surprenais à observer la foule pour essayer de deviner pourquoi ils étaient assis à l’endroit choisi. Pourquoi choisissait-on de s’asseoir dans la première rangée ? Voulait-on être si près de Dieu qu’on devait regarder le curé dans les yeux lorsqu’il racontait son sermon ? Pourquoi allait-on à l’étage ? Était-ce parce qu’on était arrivés un peu en retard, trop pressés dans le quotidien et les festivités qui allaient débuter ? Je soupçonnais que la plupart y étaient par pure curiosité. Après tout, c’était le meilleur endroit pour observer les autres. Qu’était Noël en Gaspésie si ce n’est que ce temps de l’année où les familles sortaient leurs plus beaux atouts pour recevoir la parenté qui « descendait de la grand’ ville !» Cette nostalgie m’amène à voir certaines traditions sous un œil différent. Il y a longtemps que je ne vais plus à l’église pour la messe de minuit. Mes grands-parents maternels ne sont plus là. Et j’ai finalement compris le sens des paroles prononcées, un sens qui ne me rejoint pas. J’en ai fini par trouver hypocrite d’y aller une seule fois dans l’année pour entendre les mêmes paroles répétées dans une intonation différente. Parmi toutes nos traditions familiales, l’une conserve toujours son caractère sacré, même après toutes ces années. Il s’agit du traditionnel souper de cipâte des Robichaud. Un incontournable pour l’ensemble de notre famille. La tradition remonte au début des années 1990. Ma grand-mère paternelle est décédée alors que je n’avais pas encore soufflé mes premières bougies d’anniversaire. Emportée trop jeune par un cancer, elle avait demandé un dernier souhait à mon père : qu’il réunisse l’ensemble de la famille chaque année pour le temps des Fêtes. Pour mon père, rien n’est plus important que la famille. Sauf peut-être les traditions. C’est ainsi qu’il a pris sur lui cette dernière volonté de la femme qui lui avait tout appris. Année après année, mes parents ont ouvert leur maison à l’ensemble de la famille pour recevoir en grand avec le traditionnel cipâte de ma grand-mère. Ils ressortaient chaque fois ce petit livre vert qui contenait les recettes familiales écrites de la main de ma tante Denise pour suivre les instructions afin de réaliser le cipâte parfait. Je dois me confesser : je n’ai jamais aimé le cipâte, mais j’en ai mangé chaque année pour respecter la tradition. J’ai peut-être souvent refilé la moitié de ma portion à ma cousine, mais il ne faudrait surtout pas le dire à mon père! Un souper de Noël pas comme les autres Lorsque j’étais petite, ce souper de Noël semblait n’en être qu’un parmi tant d’autres. On y voyait une occasion de plus de passer du temps avec nos cousins et nos cousines, même si on les fréquentait souvent, l’un des nombreux avantages à tous habiter le même village. Les plus jeunes préparaient un spectacle au sous-sol avant de venir chanter « Ma gang de malades, vous êtes dont où? » avec les culottes aux genoux et sans chandail, dans le seul but de faire rire les oncles. Les plus vieux jouaient une partie de « trou d’cul » dans le solarium en mangeant des chips. La même musique jouait en boucle année après année : Oscar Thiffaut, La Bolduc, Ginette Reno, Les Méchants Maquereaux, Beau Dommage et 1755. L’ambiance était à la fête, on déballait parfois des cadeaux qui avaient été conservés pour l’occasion. Si on faisait un échange de cadeaux, on espérait ne pas tomber sur la dinde (!); une soupière démodée qui traversait le temps, pour le plaisir des plus jeunes. On célébrait l’anniversaire de mon oncle Joël, qui avait la chance et la malchance d’être né le lendemain de Noël. Et on prenait des photos. Mon père a toujours tenu à prendre des photos. Au fil des ans, je me suis mise à comprendre le caractère sacré de l’activité. C’était l’événement que mes cousines choisissaient pour amener leur nouvel amoureux pour le présenter à la famille. Adolescente, je rêvais d’ailleurs du moment où je pourrais, moi aussi, arriver accompagnée à cette soirée spéciale. Pas question d’y amener une fréquentation qui ne reviendrait pas l’année suivante. Après tout, c’était du sérieux ces histoires de famille! On mangeait jusqu’à en avoir la ceinture un peu tendue et on sortait les paquets de cartes pour terminer la soirée, en attendant le traditionnel spectacle des enfants. Si on planifiait des activités avec nos amis, ils étaient au courant qu’on devait d’abord passer du temps avec la famille. Chacun était pourtant libre de faire ce qu’il voulait, mais tous comprenaient l’importance de chérir ces moments familiaux. Plus les années passaient, plus la maison de mes parents se remplissait. Les petits cousins grandissaient d’un pied de plus par année et les cousines étaient de moins en moins célibataires. Est donc venu le temps où nous avons constaté l’inévitable : le bungalow de mes parents était devenu trop petit pour ce genre de réception. Désormais, on louerait la salle communautaire du village! La même tradition se poursuivrait, différemment. Pendant les 10 années où j’étais partie de la Gaspésie, je suis revenue chaque année pour ce souper. Peu importe les obligations, peu importe les aléas de la vie. Je n’avais d’autre choix que d’y être. Même si je devais rouler 12 heures pour m’y rendre. Rare sont les années où il y a eu des absents, d’ailleurs. Tout le monde comprenait l’importance de cette réunion familiale. L'an dernier, pour la première fois depuis le début de la tradition, mon père était absent pour le travail. Longtemps il a refusé des contrats pour s'assurer d'être parmi les siens durant la période des Fêtes. C'est ma mère et ma soeur qui ont tenu le fort pour l'occasion, confectionnant non sans anecdotes, le fameux cipâte de ma grand-mère. Comme en prévision de passer la relève un jour, mon père avait pris ma soeur sous son ailes durant plusieurs années afin de lui montrer les rudiments de cet art culinaire familial. Elle en a roulé, de la pâte, ma chère soeur! 10 ans plus tard et 12 nouveaux membres dans la famille
Cette année, ce sera la 10e fois où nous célébrons à la salle communautaire du village et la 29e fois depuis le départ de ma grand-mère. Si, au départ, le souper s’étirait jusqu’aux petites heures de la nuit, il débute maintenant en plein après-midi, histoire d’accommoder les participants, qui sont de plus en plus jeunes. Parce que les cousins et les cousines ont vieilli et il s’est donc ajouté plusieurs nouveaux membres à la famille en 10 ans. Trois générations se côtoient désormais, toujours autour de la même table. Le cipâte est devenu une excuse pour se voir et se rassembler. Pour prendre nos photos et pour passer du temps en famille à se raconter des souvenirs. Pour prendre des nouvelles, dans la vie qui va vite, et pour reconnecter avec ceux – de moins en moins nombreux – qui habitent à l’extérieur. Maintenant, tout le monde reconnaît l’importance de ces moments familiaux. Ce qui me réjouit particulièrement est de voir cette tradition si précieuse à mes yeux se transmettre lentement à mes enfants, qui jouent avec les enfants de mes cousins et de mes cousines. Cette année, d’ailleurs, cette nouvelle génération sera la plus nombreuse des trois. On entendra les petits-enfants les plus vieux courir un peu partout à travers la salle en criant de plaisir, alors que les plus jeunes feront leurs premiers pas sous le regard amusé des aînés. On y mangera du cipâte en écoutant un peu de Beau Dommage et quelques chansons de La Bolduc. Mon oncle Rémy portera un toast aux cuisiniers et, qui sait, fera-t-il passer le test du baiser à un nouvel arrivé. Ma tante Iris jouera quelques parties de crible et, si je suis chanceuse, ma tante Élise m'aura apporté des « biscuits frigidaire », mes préférés! Si on y pense, on prendra quelques photos pour immortaliser le tout. Presque 30 ans après son départ, ma grand-mère paternelle serait fière de nous voir tous réunis ensemble pour célébrer le temps des Fêtes. Mon cher Papa, toi aussi, tu peux être fier; puisque tu as tenu ta promesse. |
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Novembre 2020
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